Oui, un judaïsme égalitaire femmes-hommes, antiraciste, a-hiérarchique est possible. Ceci est même l’essence du judaïsme. Je vais jusqu’au bout de ces idées dans ce livre. Lisez-le, offrez-le, faites-moi des feed-backs, aimez-le, critiquez-le. Les idées sont faites pour être explorées. Les sources et les faits sont là pour être rappelés. J’ai mis le meilleur de mes connaissances et de mes expériences rabbiniques, sociologiques et psychologiques dans ce livre. Qu’il soit une porte ouverte sur l’amour du débat qui caractérise à la fois le judaïsme et la démocratie.
J’espère de tout coeur que vous y trouverez des pistes de réflexion et d’approfondissement de votre propre pensée, et un appui pour défendre vos visions du judaïsme, et aussi de l’accueil et de la joie. J’ai hâte d’avoir vos retours!
Vous pouvez venir-me rejoindre à la librairie Le Delta pour en parler le 26 mars, et j’espère circuler aussi un peu partout.
Comment fêter Pourim alors que nos situations personnelles et la situation mondiale sont dramatiques? On peut se référer peut-être à l’enseignement de Rabbi NaHman de Bratslav (XVIIIe siècle). Il disait, vous le savez » C’est un commandement fondamental d’être toujours dans la joie ». On connait moins l’autre aspect de son enseignement: La joie implique de s’autoriser à vivre la tristesse et tous les autres sentiments, à les inviter dans la danse. Il se rapproche en cela du poète persan du XIIIe siècle, Rumi. Lui ne parlait pas d’intégrer tous les sentiments dans la danse, mais d’accueillir toutes les émotions comme des hôtes de choix dans sa maison. L’image est différente, l’idée est la même. Pour qu’il y ait de la joie, il faut qu’il y ait de l’authenticité, et donc de la spontanéité, de la sécurité, de l’accueil. Et aussi, bien sûr, l’accueil des aspects les plus durs de notre personnalité (dont nous avons le droit de rire, et c’est même conseillé), et l’accueil des aspects les plus durs de la vie (qui suscitent notre révolte comme notre puissance d’action). Pourim est la fête de l’absurde, de la dérision, de la célébration de la vie malgré tout, sans déni de rien. La vie est sans doute plus folle encore que la folie de Pourim. Mais nous sommes vivant.es, ensemble, ce soir et demain, dans les synagogues, chez des ami.es, en se téléphonant pour se souhaiter un bon Pourim, en s’amenant des mets délicieux, ou en se connectant en ligne.
J’ai l’impression que beaucoup d’options pour entendre la méguila existent le matin (le commandement est de l’entendre une fois le soir et une fois dans le courant de la journée), je vous propose donc une lecture par zoom à 17h, j’enverrai le lien par email aux personnes qui auront rempli ce petit formulaire: https://framaforms.org/pourim-en-zoom-1741872507
Comme vous le devinez, ce Pourim est particulier pour moi car j’ai été absente pendant un (bien trop) long moment. Je reprends doucement, mais surement, et je vous souhaite à vous aussi une excellente fête de Pourim! ברוך אתה ה הטוב והמטיב – Célébrons notre chance d’être en vie.
Une méguila en hébreu avec les paroles des personnages soulignées meguila2
Un lien vers le site sefarim pour lire la méguila en hébreu, français ou anglais: https://sefarim.fr/
Des vidéos pour apprendre des versets de la méguila: les versets lus par toute la communauté ICI, les taamim de la méguila ICI, les versets lus par les personnages de Pourim ICI.
Vous l’avez vu, je suis très peu sur les réseaux en ce moment. En effet, je traverse une période vraiment compliquée. Mais, ainsi que je l’ai fait tout au long de ma vie, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour apporter de la résilience. L’une des méthodes les plus efficaces et passionnantes que j’ai rencontrées est l’Écoute Mutuelle. Je vous fais suivre ici les informations concernant le prochain stage, qui se déroulera à Saint-Jacut-de-la-mer. Si vous êtes intéressé.es par un vrai travail d’authenticité, d’acceptation de soi et des autres, et de renouvellement de vos forces, je vous invite à suivre ce stage.
Je ne sais pas pour vous, mais de mon côté, j’ai vraiment besoin de cette lumière et de cette énergie de Hanouka. Il y a beaucoup de choses dans la vies auxquelles on ne peut rien. J’aimerais faire tellement plus, dans tous les domaines!
Mais il y a une chose qu’on peut faire ce soir, prendre une bougie, une spéciale de Hanouka, ou n’importe laquelle, prononcer les bénédictions, l’allumer, et passer un moment d’apaisement face à ces lumières.
Puissions-nous seulement être une lumière dans la nuit! (Vous avez tout dans la suite de cette newsletter)
Allumer, ce n’est pas compliqué. On peut le faire au niveau super light (juste allumer une bougie) ou au niveau ultra-pro (avec chandelier spécial, beignets, toupie, chants). Le plus important, c’est de ne pas se laisser impressionner. Voici le mode d’emploi:
Les deux bénédictions sont: BarouH ata adonaï élohénou mélèH haolam acher kidéchanou bémitsvotav vétsivanou léhadlik ner chel Hanouka, BarouH ata adonaï élohénou mélèH haolam chéassa nissim laavoténou bayamim hahem bazéman hazé, On ajoute le premier soir : BarouH ata adonaï élohénou mélèH haolam cheHéyanou vékiyémanou véhiguianou lazéman hazé.
En une phrase, l’allumage officiel des bougies de Hanouka consiste dans le fait d’
allumer,
entre la tombée de la nuit et la fin de la circulation piétonne dans les rues,
des bougies multicolores ou pas,
au moins une bougie chaque soir et selon l’opinion acceptée de Hillel une bougie puis deux puis trois etc.,
placées près de la fenêtre ou près de la porte en face de la mézouza,
dans un bougeoir spécial ou pas,
pendant 8 jours, à partir de ce soir,
en prononçant les deux bénédictions traditionnelles,
Nous approchons de l’entrée du chabat, ce moment de repos, de ressourcement, d’autant plus essentiel que la nuit prend le pas sur le jour en ce temps de solstice d’hiver. Lorsque l’agitation cesse, un autre temps commence, où l’on peut envisager dans le même temps une stabilité et un dynamisme, un centrage sur soi-même et une ouverture vers les autres. A partir de ce point, et de ce point seulement, une activité sans violence et libre peut émerger… Pour vous y préparer, je vous propose de prendre un temps pour vous-mêmes, de vous poser, et de partager avec moi 15 minutes de méditation.
L’année 5785 vient de s’ouvrir, je vous souhaite du fond du cœur une année de force, de droiture, de connexion avec des personnes qui vous aiment et vous respectent. Une année où vous accomplirez ce qui vous tient à coeur, où vous agirez en adéquation avec vos valeurs, avec détermination et ouverture. Et bien sûr également avec santé, de quoi manger et vous abriter, de quoi étudier, la santé pour vos proches. Et évidemment, une année d’apaisement pour toutes les personnes victimes des violences dans le monde, de résilience si possible, de survie au moins, jusqu’à la venue, nous l’espérons, de jours meilleurs.
Rendez-vous vendredi soir et samedi toute la journée au Palais de la Femme pour un Kipour qui nous rassemble et nous régénère!
Voici ici un enseignement que je partage avec vous: Justice nulle part, liberté partout
A quoi bon agir pour le bien ? Nous savons que la justice ne triomphera pas. Après l’année que nous avons passée, nous avons vu toutes sortes d’événements d’une dureté incroyable.
L’année que nous avons passée a été très dure, disais-je, et on pourrait se décourager. On pourrait se dire que nous sommes impuissant.es, que nos fautes sont peut-être trop importantes, qu’elles surpasseront nécessairement nos bonnes actions. On pourrait se dire que les fautes du monde sont trop importantes, et que jamais, quoi que nous fassions, nous ne pourrons remonter la pente. Ceci peut s’appliquer au sujet de différentes réalités de notre monde actuel, que je ne préciserai pas. Ce n’est pas faux, mais il existe une autre façon de voir les choses, celle de Maimonide.
Ce halahiste, commentateur et penseur du 12e siècle, ayant vécu quatre ans dans le 13e, nous dit la chose suivante : maimonide hilhot téchouva 3 :4
Pour cette raison les personnes doivent se considérer toute l’année comme si elles étaient à moitié méritantes et à moitié coupables. Et de même le monde entier, comme à moitié méritant et à moitié coupable. Ainsi, si même une seule personne comment une faute, elle se transfère elle-même et le monde entier du côté du mal, et est la cause qu’il se détruise. si même une seule personne comment une bonne action, elle se transfère elle-même et le monde entier du côté du mérite, et est la cause de son sauvetage…
J’ai toujours considéré que Maïmonide nous encourageait à la vigilance, à la précision, pour donner le maximum de chance au monde. J’ai toujours considéré qu’il nous mettait la pression. Au vu de cette année, je vois les choses autrement : il nous invite à ne pas désespérer. Nos actions ont une importance, c’est ce qu’il faut considérer. Nos actions de l’année passée sont pleines de sens, et nous pouvons prendre le temps de les recompter, comme le fait le berger comptant ses moutons dans le merveilleux texte « ountané tokef » que nous chanterons demain et vendredi matin. Chaque mois passé, chaque semaine, chaque jour, chaque heure, compte, et nous apporte son trésor d’expérience. Ces heures n’ont pas suffi à apporter la justice dans le monde mais elles ont été le reflet de nos choix, de notre liberté. Cette liberté fait aujourd’hui l’objet d’un bilan, en ce jour solennel de roch hachana.
Au vu du sens de ce temps de vie passé, le talmud roch hachana considère que nous sommes placés dans une de ces trois catégories : les justes parfaits, les méchants absolus, et les « moyens ».
« שלוש כיתות הן ליום הדין: אחת של צדיקים גמורין ואחת של רשעים גמורין ואחת של בינונים… » (ראש השנה ט »ז, ב).
Pour Maimonide, que nous venons de lire, nous sommes toutes et tous placé.es parmi les « moyens » dont chaque acte peut faire pencher la balance. Il soutient ici avec le talmud Yoma (38b) qui affirme :
« rabbi Hiya bar aba a dit que rabbi YoHanan avait dit : « même pour une seule personne juste, le monde peut subsister » יומא ל״ח ב:י״ד
La discussion sur le nombre de justes nécessaires à la poursuite du monde est virulente. Dans ce même passage la guémara proteste qu’il s’agit nécessairement de plusieurs personnes, le midrach considère qu’il en faut 30, le talmud 45. Bien plus tard, le légendaire yiddish parlera pour sa part des 36 justes, les lamedvavnikim, justes cachés et ignorés, méprisées et invisibles, sans lesquelles pourtant le monde ne pourrait subsister.
Ces justes maltraitées témoignent que le monde ne rend pas justice aux personnes qui agissent avec justice. Cela, nous le savons. Mais ces personnes témoignent également d’une autre chose : Pour celles et ceux qui choisissent la liberté, cette liberté leur appartient totalement, quelles que soient les circonstances. Laissez-moi vous raconter une histoire talmudique à ce sujet.
Cette histoire est tragique. Elle se déroule entre le 1e et le 2e siècle de la période romaine, dans la province appelée judée, autrement dit, en israel. Elle concerne le père de la célèbre commentatrice Berouria, rabbi Hanina ben tradion. Le traité Avoda zara nous en raconte différents épisodes, nous nous concentrons sur la page 18a :
תנו רבנן כשחלה רבי יוסי בן קיסמא הלך רבי חנינא בן תרדיון לבקרו אמר לו חנינא אחי (אחי) אי אתה יודע שאומה זו מן השמים המליכוה שהחריבה את ביתו ושרפה את היכלו והרגה את חסידיו ואבדה את טוביו ועדיין היא קיימת ואני שמעתי עליך שאתה יושב ועוסק בתורה [ומקהיל קהלות ברבים] וספר מונח לך בחיקך
Rabbi Yossi ben Kisma dit à Rabbi Hanina : La soumission à l’autorité est de mise, car si l’autorité reste impunie, cela signifierait qu’elle est légitime aux yeux de la divinité ! Tu prends des risques en enseignant la Torah!
אמר לו מן השמים ירחמו אמר לו אני אומר לך דברים של טעם ואתה אומר לי מן השמים ירחמו תמה אני אם לא ישרפו אותך ואת ספר תורה באש אמר לו רבי מה אני לחיי העולם הבא
Hanina ben tradion et Rabbi Yossi Ben Kisma (traduction littérale sur la feuille de sources) :
– Je garde espoir !
-Tu mourras sur un bucher avec un sefer torah
– Aurais-je une place dans le monde futur ?
– tu as fait quelque chose de particulier ?
– J’ai confondu et décidé de donner tout l’argent que j’avais mélangé aux personnes dans le besoin.
– j’aimerais que ma part soit comme la tienne !
אמר לו כלום מעשה בא לידך אמר לו מעות של פורים נתחלפו לי במעות של צדקה וחלקתים לעניים אמר לו אם כן מחלקך יהי חלקי ומגורלך יהי גורלי
אמרו לא היו ימים מועטים עד שנפטר רבי יוסי בן קיסמא והלכו כל גדולי רומי לקברו והספידוהו הספד גדול ובחזרתן מצאוהו לרבי חנינא בן תרדיון שהיה יושב ועוסק בתורה ומקהיל קהלות ברבים וס »ת מונח לו בחיקו
Rome rend hommage à Rabbi Yossi et met à mort Rabbi Hanina, ils l’enveloppent dans un sefer torah, l’entourent de branche, mettent le feu, posent de la laine humide sur son corps pour prolonger son supplice.
הביאוהו וכרכוהו בס »ת והקיפוהו בחבילי זמורות והציתו בהן את האור והביאו ספוגין של צמר ושראום במים והניחום על לבו כדי שלא תצא נשמתו מהרה
אמרה לו בתו אבא אראך בכך אמר לה אילמלי אני נשרפתי לבדי היה הדבר קשה לי עכשיו שאני נשרף וס »ת עמי מי שמבקש עלבונה של ס »ת הוא יבקש עלבוני
Rabbi Hanina et sa fille, la sage Berouria :
– Père, dois-je te voir ainsi ?
– Si j’étais seul, ce serait grave pour moi, mais ils brulent également un sefer torah, c’est grave pour eux !
אמרו לו תלמידיו רבי מה אתה רואה אמר להן גליון נשרפין ואותיות פורחות אף אתה פתח פיך ותכנס בך האש אמר להן מוטב שיטלנה מי שנתנה ואל יחבל הוא בעצמו
Rabbi Hanina et ses étudiants :
– Que vois-tu ?
– Les lettres s’envolent.
– Ouvre la bouche et abrège tes souffrances ?!
– Ce n’est pas à moi de le faire.
אמר לו קלצטונירי רבי אם אני מרבה בשלהבת ונוטל ספוגין של צמר מעל לבך אתה מביאני לחיי העולם הבא
אמר לו הן השבע לי נשבע לו
מיד הרבה בשלהבת ונטל ספוגין של צמר מעל לבו יצאה נשמתו במהרה אף הוא קפץ ונפל לתוך האור
Rabbi Hanina et son bourreau:
– Je raccourcis ton supplice et tu m’emmènes dans le monde futur?
– d’accord
– fais en le serment
– d’accord
Rabbi Hanina meurt, le bourreau se jette dans le feu. Une voix divine annonce : Rabbi Hanina ben Tradyon et le bourreau sont invites au monde futur
יצאה בת קול ואמרה רבי חנינא בן תרדיון וקלצטונירי מזומנין הן לחיי העולם הבא
בכה רבי ואמר יש קונה עולמו בשעה אחת ויש קונה עולמו בכמה שנים
Comme vous le voyez, dans cette histoire, comme dans d’autres, ce n’est pas la justice qui triomphe. La justice n’est nulle part. L’oppression romaine réussit à mettre à mort le père de Berouria. Pourtant, la liberté est partout : Rabbi Hanina ben tradion, pourtant, garde sa liberté, il choisit. Quand enseigner la torah risque de lui couter la vie, il choisit d’enseigner la torah. Quand ouvrir la bouche peut lui permettre d’abréger ses souffrances, il choisit de la garder fermée. Lorsque son bourreau lui propose de hâter sa fin, il choisit de lui dire oui. Nous également, dans les difficiles circonstances de nos vies, nous choisissons. Nous choisissons à chaque instant. Chacun de nos choix peut faire pencher l’équilibre de notre balance personnelle, et nous inscrire dans le livre de la vie. Chacun de nos choix peut faire pencher l’équilibre du monde, et permettre au monde de subsister. La question n’est pas la justice, mais la liberté et la solidarité. La liberté est partout, et il nous appartient de nous en saisir.