Paracha BéchalaH : qu’est-ce que la louange ?

La paracha BéchalaH décrit les épreuves, subies par les hébreux, durant les jours qui suivent leur sortie d’Égypte. Les événements se succèdent rapidement :

– l’Éternel leur impose un itinéraire complexe pour gagner la terre de Canaan,

– Pharaon, informé du départ des enfants d’Israël, envoie son armée à leurs trousses,

– la mer Rouge s’ouvre devant les hébreux qui la traversent à pied sec, puis se referme et engloutit les forces de Pharaon,

– les hébreux laissent éclater leur joie et se lancent dans de ferventes louanges, entraînés par Moïse et sa sœur Myriam,

– le peuple d’Israël repart dans le désert et affronte la soif et la faim mais, à la demande de Moïse, Dieu vient à son aide en lui fournissant l’eau et la manne,

– un premier accrochage guerrier se produit entre les troupes d’Israël, conduites par Josué, et les Amalécites. Israël sort victorieux et poursuit son périple.

Le commentaire de la paracha portera, particulièrement, sur le mode d’expression de la louange des hébreux à l’égard de leur protecteur divin.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha BéchalaH du sefer Chémot (Éxode) 13:17 à 17:16 et l’expression de la louange

Après les épreuves, viennent la gratitude et la louange. Les enfants d’Israël ont réussi à traverser la mer Rouge qui s’est ouverte devant eux pour les laisser passer, puis a anéanti l’armée égyptienne en se refermant sur elle.

Chémot 14:21 à 14:28. Moïse étendit sa main sur la mer et l’Éternel fit reculer la mer…Les enfants d’Israël entrèrent au milieu de la mer, dans son lit asséché, les eaux se dressaient en muraille à droite et à gauche…Les Égyptiens les poursuivirent et tous les chevaux de Pharaon, ses chars, ses cavaliers, entrèrent à leur suite dans la mer…L’Éternel dit à Moïse: « Étends ta main sur la mer et les eaux se déverseront sur les égyptiens, leurs chars et leurs cavaliers »…Moïse tendit sa main…Les eaux submergèrent chars, cavalerie, toute l’armée de Pharaon qui était entrée dans la mer. Pas un des égyptiens ne fut épargné.

Les enfants d’Israël se retrouvent sains et saufs en plein désert. Ils ont désormais une foi totale en l’Éternel et en Moïse, son interlocuteur. Maintenant, en plein désert, c’est la louange envers Dieu qu’ils vont exprimer; mais comment vont-ils l’exprimer ?

Tout d’abord, Moïse entraîne le peuple à chanter un hymne à la gloire de Dieu :

Chémot 15:1. Alors Moïse et les enfants d’Israël chantèrent le cantique suivant à l’Éternel, et voici ce qu’ils dirent: « Chantons l’Éternel, il est souverainement grand; le cheval et son cavalier, il les a lancés dans la mer… »

Puis, c’est Myriam, la sœur aînée de Moïse et Aaron, qui prend le relais :

Chémot 15:20 à 15:21. Myriam, la prophétesse, sœur de Aaron, prit en main un tambourin et toutes les femmes la suivirent avec des tambourins et se mirent à danser…Et Myriam dit à toute l’assemblée: « Chantez l’Éternel, il est souverainement grand; le cheval et son cavalier, il les a lancés dans la mer… »

Dans le texte, le titre de prophétesse (hanéviah-הַנְּבִיאָה) est donné à Myriam. Seul Aaron est cité comme frère de Myriam. Est-elle davantage la sœur de Aaron que de Moïse ? C’est un fait, qu’elle est plus proche humainement de Aaron que de Moïse. D’autant plus, qu’elle a été prophétesse dès avant la naissance de Moïse et qu’elle a prédit, sa naissance, et à tout fait pour qu’elle se produise.

Indirectement, la victoire d’Israël a donc été possible grâce à Myriam; Myriam qui est à l’initiative de la naissance de Moïse en ayant persuadé ses parents de revivre ensemble, et de concevoir un troisième enfant.

Rachi nous donne des précisions concernant le verset 15:20 : Myriam et toutes les autres femmes ont quitté l’Égypte avec un tambourin dans leurs bagages. Elles ont toutes anticipé intuitivement la victoire d’Israël contre l’Égypte, et leur intuition ne les a pas trompées.

La louange féminine

L’expression de la louange par le chant et la danse des hébreues, entraînées par Myriam, est liée aux mœurs des femmes du moyen orient ancien. Nous retrouvons cette coutume dans le Psaume 150 chanté tous les matins : « Alléluia! Louez Dieu en son sanctuaire, louez-le dans le firmament, siège de sa force…Louez-le au son strident du Chofar, louez-le avec le luth et la harpe…Louez-le avec le tambourin et la danse…Que tout ce qui respire loue l’Éternel! Alléluia! »

D’autres exemples de louange féminine sont à citer : le Cantique de Déborah et Yaël qui ont réussi à vaincre Sissara (livre des Juges 4:15), le chant de remerciement et de gratitude de Hanah (premier livre de Samuel). Autre exemple plus proche de nous : les TéHinot, au dix-septième siècle en Ukraine, dont une des représentantes, Sarah Bas Tovim, écrivait des textes de prière et de louange féminine.

Chmouel, inspiré par une phrase du Cantique des Cantiques, « car ta voix est douce et agréable, » nous vante, dans le Talmud BraHot, la qualité de la voix de la femme.

À travers l’histoire, la voix des femmes, avec sa douceur et sa puissance joyeuse de célébration, a très souvent accompagné la liesse collective en de nombreux pays. Et c’est encore le cas aujourd’hui.

 

Tou Bishevat : l’occasion de rencontrer la nature et la terre d’Israël

A l’occasion de tou bishevat, le MJLF-est Surmelin vous propose un tou bichevat en collaboration avec Arzenou, avancé à ce vendredi, le 3 février.
Nous voyagerons dans l’histoire de tou bichevat, le nouvel an des arbres, pour mieux comprendre les racines et nourrir les branches et les fleurs de notre compréhension de l’identité juive et de celle de notre lien à Israël.
Ce voyage se fera en texte et en chanson, voici quelques vidéos pour vous préparer, avec des chants anciens, et des chants nouveaux…

Pour participer, merci de vous inscrire auprès de Catherine Klein et de lui communiquer quel plat vous amènerez (cacher, sans viande, si possible à base de fruits et des fruits de la terre d’Israël, raisons, dates, orge, froment, figue, grenade, olives).

Quand? Office:18h45, dîner : 19h45
où? à Surmelin

A très bientôt!

la hatikva, avec hébreu, traduction et translittération https://www.youtube.com/watch?v=1DPqNHkm1bM

Tsadik katamar IfraH https://www.youtube.com/watch?v=F0HDKA3IaKs

Paracha Bo : quand commence le temps ?

Compter le temps, encore une particularité de l’espèce humaine ! Comment vivrions-nous s’il n’en était pas ainsi, si nous ne connaissions même pas notre âge exact ? Le compte du temps a certainement une très forte influence sur notre comportement et nos valeurs morales.

Ne nous égarons pas, et revenons à l’interprétation de la paracha Bo.

Dans cette paracha, nous sommes au point de départ de la sortie du peuple hébreu d’Égypte. Le compte du temps y est traité sous la forme de la révélation d’une réalité.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Bo du sefer Chémot (Éxode) 10:1 à 13:16 et la révélation du temps particulier

Le temps suit son cours et les jours se succèdent. Ces jours, qui défilent sans cesse, sont-ils absolument tous semblables ? Certainement pas. Le temps qui passe est jalonné d’événements heureux et d’événements douloureux. Ces évènements difficiles nous permettent par contraste d’apprécier toute la saveur des bons moments.

Le temps qui passe est également jalonné d’événements marquants, qui transforment le cours des choses, qui sont de véritables points d’inflexion de nos parcours de vie.

Pour l’être humain, pourvu de l’intelligence et de la conscience, il paraît essentiel d’avoir la notion de la mesure du temps, de pouvoir se situer soi-même dans le temps. Mesurer le temps ne peut se faire sans un référentiel doté d’un zéro et d’une unité. L’être humain, selon sa culture, a la liberté de choix du référentiel et de ses composantes.

Pour les chrétiens, le zéro du référentiel correspond traditionnellement à la naissance de Jésus. Chez les musulmans, le compte du temps commence avec l’Hégire (départ de Mahomet et de ses disciples de La Mecque vers Médine, après la proclamation de l’islam en 622 aprJC).

En ce qui concerne les Juifs, c’est plus compliqué, nous avons affaire à deux types de temps, le temps universel et le temps particulier. Le temps universel, fêté à Roch Hachana, débute par la création biblique du monde et de l’humanité il y a 5777 années. Le temps particulier, lui, commence par la sortie d’Égypte, la liberté des hébreux reconquise et le premier PessaH, il y a environ 3300 ans (datation en cours d’étude). Le temps particulier, pour beaucoup de commentateurs, devrait être considéré comme le véritable référentiel de temps du peuple Juif.

Cependant, une nuance est à prendre en considération. Le temps particulier débute, en fait, 14 jours avant la sortie d’Égypte.

Chémot 12:1 à 12:3. L’Éternel dit à Moïse et à Aaron, dans le pays d’Égypte:…« Ce mois-ci sera pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier des mois de l’année…Parlez à tout le peuple d’Israël en ces termes: au dixième jour de ce mois-ci, que chacun se procure un agneau pour sa famille paternelle, un agneau par maison. »

Le premier jour du « premier des mois de l’année », cité dans le verset, est le premier Nissan (ניסן). Il ne s’agit donc pas du premier tichri, de Roch Hachana, qui est aujourd’hui le premier jour de l’année juive. La première année juive, en tant que telle, devrait être celle de la sortie des hébreux d’Égypte.

Le 1° Nissan est le jour du commandement de Dieu, à Moïse et Aaron, de faire sortir le peuple hébreu d’Égypte à la date du 14 Nissan. L’acquisition d’un agneau par chaque famille juive, et sa consommation le 10 Nissan, est en relation directe avec ce projet de sortie d’Égypte, elle fait partie de la préparation de cet événement à venir.

La sortie d’Égypte a été prévue et organisée 14 jours à l’avance, alors pour quelle raison les hébreux sont-ils partis avec du pain non levé ? Sans doute a-t-il fallu du temps aux hébreux pour avoir pleinement conscience de la prise de décision de Moïse, dictée par Dieu. Les hébreux se trouvaient en Égypte depuis plus de 400 ans. Ils avaient du mal à croire en la réalité d’un tel fait. Du reste, la sortie d’Égypte s’est faite dans la précipitation, sous la poussée de la population égyptienne.

Chémot 12:33 à 12:34. Les égyptiens firent violence au peuple [hébreu], en se hâtant de le repousser du pays, car ils disaient: « Nous périssons tous »…Et le peuple emporta sa pâte non encore levée, les pétrins sur l’épaule, enveloppés dans les manteaux.

Le temps juif a donc commencé le premier Nissan, le jour de prise de décision de sortie d’Égypte, donc le premier jour d’espoir de liberté. Selon Rachi, c’est quand l’espoir commence, que le temps juif débute. Le premier jour d’un mois est un jour de renouveau. Dieu aurait, de son doigt, désigné la lune à Moïse en lui disant : quand la lune a cet aspect de renouvellement, le mois et l’espoir se renouvellent aussi.

Au même moment, Rachi a déclaré qu’il est essentiel de faire la part des choses entre les commentaires et les réalités auxquelles ils se rapportent. Le début du compte du temps est une réalité beaucoup plus importante que les commentaires dont elle a été l’objet. Rachi a dit aussi, à propos de la paracha Béréchit, que la Torah aurait dû commencer par la paracha Bo, puisque l’existence du peuple Juif a pris forme le jour du commandement de Dieu de sa libération d’Égypte. Qu’en aurait-il été alors du temps universel, qui commence par la création de tous les éléments de l’univers ?

La sagesse juive et l’écoulement du temps

Ouvrons le livre des Lamentations (Méguila EiHa). Il y est écrit au chapitre 5:21 : « Ramène-nous vers toi, Éternel, nous voulons te revenir; renouvelle nos jours comme tu le faisais avant. » .הֲשִׁיבֵנוּ יְהוָה אֵלֶיךָ ונשוב (וְנָשׁוּבָה), חַדֵּשׁ יָמֵינוּ כְּקֶדֶם.

Nous percevons ici un désir de renouveau dans la continuité.

En tant que Juifs, nous souhaitons qu’à travers l’écoulement des jours et des changements d’époque, notre identité puisse continuer à s’affirmer dans la quiétude et la sagesse. Chaque Pessah et chaque Chabbat marquent la fin et le renouvellement d’une période de notre vie. Gardons en mémoire cette phrase de LeHa Dodi : « nous irons au devant du Chabbat,… terme de la création, présent en pensée dès le commencement. »

Paracha Vaéra : Dieu est-il Dieu ?

L’être humain est doté d’un cerveau particulièrement développé. Nous appartenons sûrement à l’espèce animale la plus intelligente de la planète Terre. Notre pouvoir sur les éléments matériels progresse de plus en plus. Mais se pose une question cruciale : où se situent les limites de nos capacités intellectuelles ?

Nous comprenons aisément diverses choses, alors que la compréhension d’autres sujets nous demande un parcours de formation préalable, souvent difficile. Cependant, l’entendement de certaines questions nous dépasse totalement. Quel que soit notre degré d’intelligence et de connaissance, des notions telles que l’infini, l’éternité, la connaissance de ce que sera l’avenir, sont au-delà de notre portée.

Des questions qui semblaient invraisemblables, inexplicables ou surnaturelles il y a quelques siècles, paraissent banales aujourd’hui. En est-il de même pour tout ? Sûrement pas ! L’inconcevable existera toujours. Comment pourrait-on affirmer le contraire ?

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La paracha Vaéra du sefer Chémot (Éxode) 6:2 à 9:35 et Moïse devenu ‘Dieu’

Dans la paracha Vaéra, Dieu se révèle à Moïse et lui demande d’intervenir, en son nom, pour délivrer les enfants d’Israël d’Égypte.

Dieu représente l’inconcevable qui nous échappera toujours. Il est l’entité transcendante de l’humanité.

Le terme « Dieu » dérive de « Zeus ». La croyance en Dieu est primordiale pour les chrétiens, les musulmans et pour d’autres. Dans la religion juive, elle n’est pas aussi centrale. Pour nous, Dieu est difficile à définir, à cerner et impossible à décrire. Heureusement, notre croyance est conciliante.

La première lettre de la Torah est « beit » בְּ), la lettre de la dualité, du dialogue, de la recherche. Ce n’est pas « aleph » (א) qui est la première lettre de l’alphabet hébraïque et qui signifie unité, totalité. Le terme « totalité » est à relier au principe d’une vérité unique, à laquelle les autres vérités doivent se soumettre. Ce qui n’est pas du tout le cas de la foi juive. Nous sommes conscients des limites de notre possibilité d’appréhender la vérité. Nous ne détenons pas tout le savoir, et encore moins l’entièreté de la parole divine.

Le nom commun de Dieu est « el » (אֱלֹ) en hébreu. Ce mot désigne la direction à prendre et laisse les portes ouvertes. Un des noms propres de Dieu en est dérivé : « Élohim » (אֱלֹהִים). Élohim, c’est « el » accompagné d’un pluriel. Ceci paraît paradoxal au regard du monothéisme juif. Le pluriel de Élohim pourrait-être un lointain souvenir du paganisme ou du polythéisme de nos ancêtres antérieurs à Abraham, ou bien une marque de respect envers Dieu. Le Midrach nous dit qu’il s’agirait plutôt de l’expression de la pluralité de nos perceptions du divin.

Un autre terme est utilisé couramment pour nommer Dieu, le terme « Adonaï ». Adonaï se rapporte à l’idée de « raHamim » (רחמים), la bienveillance, alors que Élohim se rapporte plutôt à la notion de justice. Adonaï s’écrit au moyen du Tétragramme (יְהוָה) qui, comme son nom l’indique, est composé de quatre lettres. Le Tétragramme se nomme aussi « Chèm haméfourach » (שם המפורש), le « Nom Explicite »; un nom très peu explicite, en fait, puisqu’il n’est prononcé par personne aujourd’hui. Les chrétiens nomment souvent le Tétragramme, « Jéhovah ». Les juifs croyants n’utilisent jamais ce nom. Ils se contentent simplement de regarder le Tétragramme sans le nommer, ou bien, ils disent « Adonaï » pour le désigner.

Le Tétragramme est composé de quatre lettres que l’on retrouve dans le verbe « être » à tous les temps : hayah était (היה) , hoveh est (הוֹוֶה) , yihyeh sera (יִהְיֶה). Ici, se perçoivent la permanence, l’éternité et le principe  de transcendance.

Remontons le temps. À l’époque du premier et du second Temple de Jérusalem, le Tétragramme n’était explicité que par une seule personne, le Grand Prêtre. Il en était ainsi un seul jour dans l’année, le jour de Yom Kipour, au cœur du Temple, dans le Saint des Saints (קֹדֶשׁ הַקֳּדָשִׁים‎).

De ce qui précède, nous entrevoyons l’approche juive du divin.

Replongeons-nous dans la paracha Vaéra :

Chémot 6:2 à 6:5. Dieu continua à parler à Moïse et dit: « Je suis l’Éternel ( יהוה )…Je suis apparu à Abraham, à Isaac, à Jacob, comme Dieu puissant et généreux. ( אֵל שַׁדָּי   ) Mais ce n’est pas en mon Nom « Eternel » יהוה   que je me suis manifesté à eux… De plus, j’avais établi mon alliance avec eux en leur faisant don du pays de Canaan, la terre de leurs pérégrinations où ils vécurent étrangers…Enfin, j’ai entendu les gémissements des enfants d’Israël, asservis par les Égyptiens, et je me suis souvenu de mon alliance.

Dans ce texte, divers termes tels que Élohim, Chaday (שַׁדָּי), Adonaï, sont employés selon les versets. L’Éternel se présente d’abord à Moïse sous le nom du tétragramme, symbole de la bienveillance. Auparavant, il s’était révélé aux Patriarches sous le nom de Chaday, Dieu de la générosité. C’est Adonaï, Dieu tout-puissant, dont la parole ne peut être mise en doute, qui s’exprime pour annoncer qu’il ira au secours des enfants d’Israël, par l’intermédiaire de Moïse.

Un verset du chapitre 7 nous interpelle :

Chémot 7:1. Alors l’Éternel dit à Moïse : « Maintenant, je fais de toi un dieu [Élohim אֱלֹהִים] à l’égard de Pharaon, et Aaron ton frère sera ton prophète. »

Ce verset prête à confusion. Élohim (Dieu) est unique. Nous savons que le mot élohim signifie aussi responsables, chefs, forces. Mais ici, Dieu utilise des êtres humains, Moïse et Aaron, pour remplir une fonction divine, et ceci est typique de la pensée juive: c’est aux humains d’exercer la solidarité et la bienveillance. Mais n’est-il pas blasphématoire d’affirmer que l’homme est « comme un dieu »?

Nous avons l’impression d’être revenus au chapitre 3 de la Genèse, quand le serpent dit à Ève : le jour où vous mangerez ce fruit, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Dieu, vous connaîtrez le bien et le mal. Être comme Dieu signifie-t-il, simplement, avoir la connaissance du bien et du mal et y avoir accès ? Soyons quand même perplexes ! « Vous serez comme Dieu » est justement le titre d’un ouvrage rédigé par Erich Fromm en 1975, dont la lecture nous permettra d’y voir plus clair.

Récapitulons. Dieu, tel qu’il est présenté dans la paracha Vaéra, est bien le Dieu mentionné dans le livre des Nombres (Bamidbar) et dans le Chéma Israël. Dieu, pour les juifs, est l’ensemble unique de ce qui transcende l’être humain, tout en l’obligeant à progresser, à toujours tenter de faire bien et mieux, à se dépasser.

Dieu est au-delà de la perception de l’être humain, qui ne doit l’invoquer en aucune façon, surtout pas dans le but de satisfaire des désirs terrestres.

Avant de se dire croyant, ou athée, il est nécessaire de se poser la question suivante : qui est Dieu ? Question sans réponse facile, à se poser sans se décourager.

Paracha Chémot : l’Alliance est-elle féminine ou masculine ?

Nous ouvrons le deuxième livre de la Torah, le livre de l’Éxode, sefer Chémot en hébreu. Chémot (שְׁמוֹת) signifie les noms, les sens, les lignées, les recensements; en particulier les recensements des personnes qui ont contribué, de façon remarquable, à la constitution du peuple Juif.

Le livre de l’Éxode décrit trois grands événements : la sortie d’Égypte des enfants d’Israël, l’Alliance scellée entre Dieu et son peuple et la construction du Sanctuaire.

Sa première paracha, la paracha Chémot, aborde la question de l’esclavage des hébreux, la tyrannie de Pharaon, et l’apparition de Moïse dans des circonstances très singulières.

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La paracha Chémot du sefer Chémot (Éxode) 1:1 à 6:1 et la puissance des alliances féminines

Les recensements des grandes figures de l’Alliance et de l’histoire d’Israël citent surtout des personnages masculins. Pourtant, de nombreuses femmes ont joué un rôle décisif en ce domaine. La paracha Chémot en fait la démonstration.

Cette paracha nous présente un Pharaon, successeur de celui qui a accueilli Joseph et sa famille avec bienveillance, qui condamne les hébreux aux travaux  forcés puis tente de les détruire, en tant que peuple, par l’élimination des nouveaux-nés mâles, dès leur venue au monde.

Chémot 1:11 à 1:16. Et on imposa à ce peuple des chefs de travail forcé afin de l’accabler de labeur. Il dut bâtir pour Pharaon des villes d’entreposage, Pithom et Ramsès…Mais, plus on opprimait ce peuple, plus il se multipliait…et les Égyptiens éprouvèrent pour lui de l’aversion…Alors, le roi d’Égypte  fit venir les accoucheuses hébreues qui se nommaient, l’une Chifrah, l’autre Pouah…Il leur dit: « Lorsque vous accoucherez les femmes hébreues, vous regarderez le sexe de l’enfant: si c’est un garçon, faites-le mourir, si c’est une fille, laissez-la vivre. »

Ces versets citent deux personnages féminins, les sages-femmes hébreues, dont nous reparlerons.

Une autre figure féminine, qui nous accompagnera tout au long de la Torah, apparaît très vite. C’est Myriam la prophétesse, sœur d’Aaron, qui réussit à convaincre ses parents, Amram et YoHéved, de concevoir un troisième enfant. Il sera nommé  » Moïse « .

Moïse n’est pas tué à sa naissance, malgré les exigences de Pharaon, car les deux sages-femmes hébreues, Chifrah et Pouah, désobéissent à ses ordres.

Chémot 1:17. Mais les sages-femmes craignaient Dieu. Elles ne firent pas ce que leur avait demandé le roi d’Égypte, et laissèrent vivre les enfants hébreux mâles.

Myriam convainct sa mère YoHéved de donner naissance à Moïse, Chifrah et Pouah l’épargnent, elles transmettent le relais à une autre héroïne de la paracha, Batiha (בִּתְיָה), la fille de Pharaon.

Chémot 2:3 à 2:6. [YoHéved] ne pouvant le cacher plus longtemps, lui prépara un berceau de papyrus qu’elle enduisit de bitume et de poix. Elle y plaça l’enfant et le déposa dans les roseaux, sur la rive du fleuve…Sa sœur [Myriam] se posta à distance pour voir ce qu’on ferait de lui…Cependant, la fille de Pharaon [Batiha] descendait pour se baigner dans le Nil, ses servantes la suivant sur la rive. Elle aperçut le berceau parmi les roseaux et envoya une servante le prendre…Elle ouvrit le berceau et y vit l’enfant qui pleurait. Elle eut de la compassion pour lui, tout en disant: « c’est l’un des enfants des hébreux. »

Batiha sauve Moïse des eaux et décide de l’adopter. Elle demande à YoHéved, par l’intermédiaire de Myriam, d’allaiter le petit garçon et de le lui rendre ensuite.

Chémot 2:7 à 2:10. Sa sœur [Myriam] dit à la fille de Pharaon: « faut-il aller trouver une nourrice, parmi les femmes hébreues, qui allaitera cet enfant? »..La fille de Pharaon lui répondit: « Va. » Et la jeune fille alla chercher la mère de l’enfant…La fille de Pharaon dit à celle-ci: « emporte cet enfant et allaite-le moi, je t’en donnerai un salaire. » La femme prit l’enfant et l’allaita…L’enfant devenu grand, elle le rendit à la fille de Pharaon et il devint son fils. Elle lui donna le nom de Moïse en disant: « c’est que je l’ai tiré des eaux. »

Une véritable boucle d’alliances féminines s’est formée, pour donner la vie à Moïse et le prendre en charge. Ainsi, Moïse reçoit à la fois l’éducation juive par sa mère naturelle, YoHéved, et l’éducation égyptienne, qui lui sera précieuse par la suite, par la fille de Pharaon, Batiha.

Quel rôle ont joué les personnages de sexe masculin dans cet événement ? Rien de glorieux au départ. C’est d’abord Pharaon qui fait le mal et veut détruire, puis Amram, le père de Myriam, qui, selon le Talmud Sota (12b) décide de se séparer de YoHéved, peu après l’annonce des décisions de Pharaon. Pire encore : Amram est une personnalité respectée de la communauté Israélite, en conséquence tous les maris choisissent de l’imiter, et se séparent de leurs épouses. L’alliance se rompt alors entre les hommes et les femmes.

L’Alliance est-elle féminine ou masculine ?

Amram se rattrape en acceptant d’écouter sa fille, Myriam. Myriam lui dit qu’en ne voulant plus faire d’enfant, il entre dans le jeu de Pharaon : tous les nouveaux-nés disparaîtront, masculins comme féminins. Myriam le critique aussi, très fortement, en affirmant que le décret de Pharaon n’est encore qu’au stade du risque, un risque très grand, mais seulement un risque pour le moment, alors que sa décision va au-delà des espérances de Pharaon en aboutissant à l’anéantissement du peuple hébreu en Égypte.

La grandeur d’Amram est d’abord d’avoir écouté les reproches de sa fille, puis d’avoir fait preuve d’humilité en reconnaissant ses erreurs de jugement et de comportement. Au point d’aller au devant de YoHéved afin de se faire pardonner en la reprenant pour épouse. Les autres maris hébreux en feront tout autant.  L’alliance entre les hommes et les femmes Israélites est restaurée. Moïse naîtra du renouveau de ces liens dans la continuité.

La paracha Chémot nous a montré la force d’une alliance entre femmes de conditions différentes, de peuples différents et surtout de rangs sociaux différents : une princesse égyptienne, Batiha, a accepté de tendre la main à des esclaves hébreues pour sauver un enfant inconnu d’elle. La sensibilité de ces femmes a bousculé des barrières qui se révèlent être de peu de poids à posteriori.

Cette alliance féminine a permis de rétablir l’alliance hommes-femmes, nécessaire à la vie matérielle comme à la vie spirituelle du peuple.

La mise en oeuvre du concept d’alliance s’exprime dans tous les domaines: il s’agit de considérer tous les êtres humains comme nos alliés. Les discriminations hommes-femmes, riches-pauvres, élites-esclaves, ou les discriminations religieuses n’ont pas de légitimité dans cette approche, car c’est ensemble que nous pouvons « sauver Moïse » et contribuer à construire une société de liberté.

À l’occasion de l’entrée en scène de Myriam la prophétesse, nous vous suggérons de lire un ouvrage intitulé « Les cinq livres de Myriam » (The five books of Myriam). Ellen Frankel y met en scène des personnages féminins traditionnels et leur donne la parole pour exprimer leur compréhension de la Torah.

Paracha VayéHi : comment dépasser la mort ?

Tout a un début puis une fin, et tout se renouvelle. Le livre de la Genèse (Béréchit, בְּרֵאשִׁית, au commencement) s’achève avec la paracha VayéHi. Débute ensuite le livre de l’Éxode (Chémot, שְׁמוֹת, les noms) dans la continuité de la Torah.

Comme nous l’avons vu, la Genèse comporte trois parties : la création de l’univers, incluant l’humanité, avec ce qui en résulte, puis l’histoire des Patriarches et des Matriarches et enfin, le récit de la vie de Joseph. Par ailleurs, la Genèse nous révèle l’origine des Israélites en tant qu’individus et familles, alors que l’Éxode décrit plutôt la création d’un peuple, le peuple d’Israël.

A la fin de la Genèse, les hébreux (les Israélites de l’époque) se trouvent, dans leur majorité, en Égypte, rassemblés autour de Joseph et de Jacob; Jacob dont la vie s’achève.

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La paracha VayéHi du sefer Béréchit (Genèse) 47:28 à 50:26 et le dépassement de la mort de Jacob

Le sefer Béréchit s’achève avec la paracha VayéHi qui débute par : « Et Jacob vécut… » (וַיְחִי יַעֲקֹב). Cette Paracha nous parle de la vie et de la mort. La mort est liée à la vie. Elle n’est pas véritablement une disparition, au sens propre du terme. Elle est donc dépassée.

Citons un midrach du Talmud Taanit (5b) : deux Rabbins discutent de façon conviviale, en prenant ensemble leur repas. Rabbi NaHman demande à Rabbi Yitzak de lui raconter une histoire intéressante. Rabbi Yitzak répond :  » Je ne vais rien te raconter maintenant, parce que Rabbi NaHman a dit qu’il n’est pas prudent de parler en mangeant, car en parlant on risque de s’étouffer. » Rabbi NaHman acquiesce. À la fin du repas Rabbi Yitzak reprend la conversation et, en guise d’histoire, cite une parole de Rabbi YoHanan :  » Jacob, notre père, n’est pas mort ». Rabbi NaHman répond :  » Qu’est-ce-cela signifie ? Te moques-tu de moi ? Jacob est bien mort ! Il a eu son éloge funèbre, puis a été embaumé et inhumé. » Rabbi Yitzak dit alors :  » Je ne nie pas cela. Je parle d’un verset du livre de Jérémie qui dit : n’aie pas peur, mon fils Jacob, car aujourd’hui je te délivre et aujourd’hui tes enfants reviennent. »

Commentons cette phrase du livre de Jérémie. Jacob est Israël. Il est délivré et revit du fait de la délivrance et du retour de ses enfants, les enfants d’Israël. Cela signifie que Jacob, d’une certaine façon, est encore vivant maintenant. Il vit encore, de par ses enfants d’aujourd’hui, les membres du peuple Juif.

Nous en déduisons que nous tous vivons à travers nos enfants, de notre vivant comme après notre mort. Nos enfants et nos descendants, biologiques ou affectifs, sont porteurs à l’infini d’une partie de nous-même, partie de nous-même pas forcément tangible. Ce principe s’apparente à la notion de pérennité du Judaïsme par la transmission, de génération en génération.

Jacob, avant de s’éteindre, souhaite bénir ses enfants et petits enfants. Il bénit tout particulièrement Joseph par l’intermédiaire de ses deux fils, Manassé et Éphraïm. Jacob décide ainsi de placer les deux enfants de Joseph, nés avant son arrivée en Égypte, au rang d’enfants d’Israël, comme ses autres enfants :

Béréchit 48:5. « Et maintenant, tes deux fils qui te sont nés au pays d’Égypte avant que je vienne auprès de toi en Égypte, deviennent miens. Tout autant que Ruben et Siméon, Éphraïm et Manassé sont miens. »

Béréchit 48:20. Il les bénit alors et dit: « Israël te nommera dans ses bénédictions, en disant: que Dieu te fasse devenir comme Éphraïm et Manassé! » Il plaça ainsi Éphraïm avant Manassé.

Depuis des siècles nous continuons à nous appeler « les enfants d’Israël » ( Béné Israël – בְּנֵי יִשְׂרָאֵל), ou encore « les enfants de Jacob ». Notre vie est ainsi un prolongement de la vie de Jacob.

La transmission du Judaïsme est en relation étroite avec la bénédiction des enfants par leurs parents. Le vendredi soir, quand nous pratiquons la bénédiction des garçons nous apposons nos mains sur leurs têtes, et nous prononçons ces paroles : « que l’Éternel te mette au même niveau que Éphraïm et Manassé ». Ce qui signifie que nous mettons directement nos fils en relation avec Jacob, sans nous préoccuper de la longueur du temps passé. En ce qui concerne nos filles, nous les bénissons de la même façon, en disant : « que l’Éternel te mette au même niveau que Sarah, Rébecca, Léa et Rachel. »

La braHa (bénédiction) des enfants, renouvelée en permanence, est à l’image d’une source intarissable de sagesse recueillie puis transmise sans cesse. Cette notion de temps sans limite nous fait penser au verset 7:9 du Deutéronome : « Tu sais bien que l’Éternel, ton Dieu, est le vrai Dieu, fidèle au pacte d’alliance et bienveillant envers ceux qui l’aiment et qui accomplissent ses commandements, jusqu’à la millième génération. »

La paracha VayéHi cite également la mort de Joseph.

Béréchit 50:24 à 50:26. Joseph dit à ses frères: « Je vais mourir. Sachez que l’Éternel se tournera vers vous. Il vous fera quitter ce pays pour celui qu’il a promis par serment à Abraham, Isaac et Jacob »…Alors Joseph fit jurer les fils d’Israël pour leur dire: « Oui, l’Éternel se tournera vers vous, alors vous devrez faire remonter d’ici mes ossements. » Joseph mourut âgé de cent dix ans. Il fut embaumé puis fut déposé dans un cercueil en Égypte.

Joseph fait une requête à transmettre de génération en génération. Il  demande aux futurs Béné Israël d’emporter ses ossements avec eux quand ils quitteront l’Égypte pour gagner la terre de Canaan. Joseph pressent que l’avenir s’ouvrira aux enfants d’Israël, après une longue période de tourment.

Le transfert des ossements de Joseph, comme ceux de Jacob, a pour but de préserver le lien physique entre les générations fondatrices du monothéisme hébreu, et les générations qui tentent de vivre paisiblement dans leur terre promise, le pays de Canaan, qui deviendra après le retour de 2000 ans d’exil, l’État d’Israël.

La transmission se poursuit. Ainsi que l’énonçait Rabbi ItsHak avec provocation, Jacob, notre ancêtre, n’est pas mort. A nous de continuer son enseignement, de d’être digne d’ « Israël ».

Paracha Vayéchev : pourquoi sacrifier Joseph ?

Joseph est le onzième fils de Jacob et le premier-né de Rachel.

Joseph est né à Haran, ville araméenne, où s’était retiré son père, Jacob. Après avoir passé son adolescence en terre de Canaan avec sa famille, il s’est retrouvé exilé en Égypte, malgré lui, et jusqu’à la fin de ses jours. En Égypte, Joseph a connu la prison et les plus grands honneurs auprès de Pharaon.

Joseph est un personnage important de la Torah. Il relie l’époque d’Abraham et de sa proche descendance, à l’époque ultérieure de la libération des hébreux, conduite par Moïse.

La paracha Vayéchev nous conte les mésaventures de Joseph. Elle nous conduit aussi à nous interroger sur la valeur de la vie humaine et sur la prise de risque individuelle.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Vayéchev du sefer Béréchit (Genèse) 37:1 à 40:23 et le « sacrifice » de Joseph

Nous tenons beaucoup à la vie, certes; mais jusqu’à quel point, et à quel prix ? Le Talmud Yoma, dont le principal objet est la pratique de Yom Kipour, aborde ce sujet qui est repris spécifiquement par l’expression rabbinique « PikouaH néfech » (פיקוח נפש) signifiant « Surveillance, protection de la vie humaine ».

La règle de « PikouaH néfech » indique que la préservation de la vie humaine l’emporte sur pratiquement toute les autres considérations religieuses.

Font exceptions, les trois interdictions suivantes : l’idolâtrie flagrante, l’inceste et l’adultère et le meurtre d’une personne qui ne menace pas notre vie.

Savoir, ou simplement supposer, que notre vie a un sens, est nécessaire à notre plaisir de vivre et à notre équilibre. Nous tenons instinctivement à la vie, et il nous est difficile de savoir réellement en quelles circonstances nous serions prêts à la mettre en jeu, à nous sacrifier.

Cette question est au cœur de la paracha Vayéchev. En la lisant nous avons le sentiment que, d’une certaine façon, Israël (Jacob) a sacrifié Joseph, ou bien que Joseph s’est lui-même sacrifié. Dans le parcours de vie de Joseph, rien n’est simple.

Commençons par commenter le verset suivant de la Genèse :

Béréchit 37:3. Or Israël [Jacob] aimait Joseph davantage que tous ses autres enfants, car il était le fils de sa vieillesse; et il lui avait fait faire une longue chemise [tunique] à rayures.

Israël aime particulièrement Joseph. Il aime bien-sûr ses autres enfants, mais pas de la même façon. Israël souhaite différencier Joseph de ses autres enfants, et pour le distinguer matériellement il lui fait porter une tunique à bandes de couleurs différentes.

Pourquoi cette préférence ? Il est peut-être commun parmi les parents de préférer l’un ou l’autre enfant, ou en tout cas de reconnaitre leur diversité et les qualités particulières de l’un ou de l’autre. On peut également penser que la préférence de Jacob s’explique du fait de la préférence qu’il a justement pour Rachel, la mère de Josèphe, qu’il a profondément aimée.

Mais nous devons voir plus loin. Israël a eu de nombreux enfants de quatre femmes différentes. Certains commentateurs pensent que la tunique bariolée de Joseph est l’image d’un rassemblement d’identités multiples. Joseph serait donc l’enfant le plus apte à faire l’unité auprès de lui, à rassembler tous les enfants d’Israël (Jacob) au-delà de leur diversité.

Ce n’est pas ce qui va se passer dans un premier temps. Le fait de distinguer Joseph, le sépare des autres enfants et provoque leur jalousie. En le distinguant, Israël met Joseph en situation de risque. C’est pour cela qu’on peut se demander s’il le « sacrifie » sciemment.

(Cet épisode de la Torah nous fait bien prendre conscience que quiconque proteste, lève la tête, se révolte individuellement pour défendre une cause, prend des risques personnels importants. Se démarquer de la « masse » est parfois dangereux.)

Une alliance s’est constituée entre Israël et Joseph dans la recherche de l’unité et de la paix. Israël « sacrifie » Joseph en le chargeant d’établir l’unité de sa descendance. Israël sait que Joseph devra affronter la haine terrible qui s’est installée envers lui, et Joseph est tout à fait conscient de ce défi.

Béréchit 37:4. Quand ses frères virent que leur père l’aimait de préférence à eux, ils le prirent en haine et ne purent se résoudre à lui parler dans la paix.

Israël et Joseph sont en situation de prise de risque conjointe dans le dialogue suivant :

Béréchit 37:13 à 37:14. Par la suite Israël dit à Joseph: « Tes frères font paître les troupeaux près de Sichem, n’est-ce pas? Viens, je veux t’envoyer vers eux. » Joseph répondit: « Je suis prêt »… Israël reprit: « Va voir, je te prie, comment se portent tes frères, comment se porte le bétail et rapporte m’en des nouvelles. » Ainsi, il l’envoya de la plaine d’Hébron et Joseph se rendit à Sichem.

De façon concise, voici ce qui se passe ensuite : courageusement Joseph part à la recherche de ses frères. Il rejoint ses frères qui le dépouillent aussitôt de sa tunique bariolée, puis le jettent dans un puits vide. L’un des frères propose de vendre Joseph à une caravane d’Ismaëlites qui s’approche. Mais des marchands Midianites, qui passent par là, tirent Joseph du puits et le vendent aux Ismaëlites qui décident d’emmener Joseph avec eux en Égypte. Par la suite, les Midianites reprendront Joseph et le vendront comme esclave à Potiphar, officier de Pharaon.

Cet événement a été l’objet d’un commentaire de Rachi. Selon Rachi, le mot « passim » -פַּסִּים- de l’expression « kétonet passim » -כְּתֹנֶת פַּסִּים- (tunique bariolée) est porteur de sens. Il présage des dangers auxquels Joseph est exposé : pé de passim (Potiphar dont l’épouse mettra Joseph en grand danger), sameH de soHarim (les marchands), youd de Yichmaélim (les Ismaëlites), mèm de Midianites.

Après coup, les frères de Joseph trempent la tunique bariolée (celle qui devait symboliser l’unité) dans le sang d’un bouc et la font porter à leur père, Israël.

La suite dans les versets suivants :

Béréchit 37:33 à 37:36. Il la reconnut et s’écria: « La tunique de mon fils! Une bête féroce l’a dévoré! Joseph a sûrement été mis en pièces! »…Et Jacob [Israël] déchira ses vêtements, mit un cilice sur ses reins et porta longtemps le deuil de son fils…Tous ses fils et toutes ses filles se mirent en devoir de le consoler, mais il refusa toute consolation et dit: « Non! Je rejoindrai, en pleurant, mon fils au Shéol! » Et Jacob [Israël] continua de le pleurer…Quant aux Midianites, ils vendirent Joseph en Égypte à Potiphar, officier de Pharaon, chef des gardes.

Le chagrin et l’espoir d’Israël (Jacob)

Le chagrin et la douleur se sont emparés d’Israël après la disparition de Joseph; mais l’espoir est toujours là, malgré les apparences.

Selon Rachi, le grand-père Isaac a la quasi certitude que Joseph est toujours en vie. Il semblerait qu’Israël ne soit pas véritablement en deuil, mais plutôt en situation de doute quant à la mort de son fils. On peut penser que ses troubles s’apaisent légèrement et il se crée une communication par la pensée entre lui et Joseph, une continuité de leur alliance, en remplacement du contact direct.

Jacob savait le risque qu’il prenait en envoyant Joseph vers ses frères, il n’a pas vu la dépouille de Joseph, l’attitude de ses fils doit sans doute d’une façon ou d’une autre refléter leur sentiment de culpabilité. Ces fait, en plus de sa capacité prophétique, donnent certainement à Jacob des indications à propos du sort de Joseph et de l’avenir de sa descendance.

Israël se sent encore relié à Joseph par la finalité de leur alliance. En dépit des événements, il garde en lui l’espoir de la paix et de l’unité autour de Joseph, dans un nouveau cadre. Unité indispensable à l’existence de ce qui deviendra son peuple, le peuple Juif.

Jacob et Joseph n’ont sacrifié personne. Ils ont pris un risque calculé. Peut-être, qui sait, l’unité des frères pourra avoir lieu dans l’avenir.

Dans la vie, les moments d’incertitudes ne sont pas faciles à vivre. Il est important néanmoins de mettre toutes les chances de son côté, quitte à prendre des risques. Jacob et Joseph nous en donnent l’exemple.

Paracha VayichlaH : quelle est la recette de la paix ?

Il y a plus de vingt ans, sur les conseils pressants de sa mère Rébecca, Jacob quittait Béer-shéva pour rejoindre la ville de Haran où résidait son oncle Laban.

Jacob a pris pour épouses Léa et Rachel, les filles de Laban. Il est père de nombreux enfants dont les mères sont Léa et Rachel, ainsi que leurs servantes, Zilpa et Bilha.

La situation devient conflictuelle, alors Jacob décide de retourner dans sa famille d’origine, en terre de Canaan. Se pose la grave question de la rencontre avec son frère Ésaü, qui a songé à le tuer peu avant son départ. Les retrouvailles seront-elles violentes ou pacifiques? Malgré tout, Jacob prend le chemin du retour avec femmes et enfants.

La paracha VayichlaH nous décrit les moments forts de la rencontre entre Jacob et Ésaü et nous montre de quelle façon Jacob est devenu Israël.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha VayichlaH du sefer Béréchit (Genèse) 32:4 à 36:43 et la confrontation à haut risque

Difficile de vivre avec un poids sur la conscience. En particulier, quand on est convaincu de devoir régler de douloureux problèmes du passé.

Jacob est face à cette question quand il décide de revenir en terre de Canaan, prêt à affronter les risques liés à cet acte. Jacob est angoissé à l’idée de se retrouver face à Ésaü. Le moment tant redouté  va bientôt arriver.

La tactique de Jacob est de procéder par étapes successives, dans le but de garder la maîtrise des événements. La première étape est l’envoi de messagers (« malaHim ») en reconnaissance, là où se trouve Ésaü.

Béréchit 32:4. Jacob envoya des messagers [malaHim] en avant, vers Ésaü son frère, au pays de Séir, dans la campagne d’Édom.

Les « malaHim » (מַלְאָכִים), les messagers de Jacob, sont des hommes envoyés en éclaireurs ? Le mot désigne parfois également des messagers divins, des « anges ». Telle est d’ailleurs l’opinion de Rachi. L’ambiguïté du terme « malaHim » est intéressante car d’une certaine façons, les messagers humains que nous sommes transmettent également des enseignements moraux et spirituels.

Les « malaHim » rapportent à Jacob qu’Ésaü a pris les devants. Il est en route, à la rencontre de Jacob, fortement accompagné.

Béréchit 32:7. Les messagers revinrent près de Jacob, en disant: « Nous sommes arrivés vers ton frère Ésaü. Lui aussi vient à ta rencontre, et avec lui, quatre cents hommes. »

À cette information, Jacob est saisi de frayeur et prend une initiative qui est détaillée dans les versets suivants :

Béréchit 32:8 à 32:9. Alors, Jacob eut grand-peur et fut plein d’anxiété. Il divisa en deux camps ses gens, le petit bétail, les bovins et les chameaux…Se disant: « Si Ésaü attaque l’un des camps et le met en pièces, le camp restant deviendra une ressource. »

Cette division de la famille, des personnes qui l’accompagne, et des biens, peut être interprétée comme une limitation des risques. Mais elle revêt une apparence fébrile, non réfléchie et trop fataliste. Jacob est-il vraiment certain qu’Ésaü et ses hommes le mettront en pièces, lui et ses proches ?

(Ce partage en deux nous fait penser au terme « yaHats », de la Hagada de PessaH, qui désigne le moment de la brisure de la matza en deux morceaux, lors du Seder.)

Seconde étape : Jacob fait appel à ses forces morales. Il se tourne vers l’Éternel et prie en évoquant l’Alliance :

Béréchit 32:10. Puis Jacob dit « O Dieu de mon père Abraham et Dieu d’Isaac mon père! Éternel, toi qui m’as dit: ‘Retourne à ton pays et dans ta parenté et je te comblerai.’ »

Troisième étape :  les cadeaux de Jacob à Ésaü – suivons le cours des versets de la Torah.

Béréchit 32:14. Il établit là son gîte pour cette nuit et il choisit, dans ce qui se trouvait en sa possession, un don pour Ésaü son frère.

Jacob vient d’avoir l’idée d’approcher son frère par la paix en lui offrant des présents (du gros et du petit bétail). Ces présents apaiseront-ils suffisamment Ésaü ? La façon de les offrir a peut-être plus d’importance que la valeur matérielle. Jacob en a conscience. Il décide de faire parvenir immédiatement ses cadeaux à Ésaü d’une façon subtilement élaborée :

Béréchit 32:17 à 32:21. Puis il remit à chacun de ses serviteurs une part du troupeau et il leur dit: « marchez en avant et laissez un intervalle entre votre part du troupeau et la suivante. »…Il donna au premier l’ordre suivant: « lorsqu’Ésaü, mon frère, te rencontrera et te demandera: ‘à qui es-tu? où vas tu? et à qui est le bétail qui te précède?’…Tu répondras: ‘à Jacob ton serviteur, et ceci est un don envoyé par lui à mon seigneur Ésaü; et Jacob lui même nous suit.’ »…Il ordonna de même au second, de même au troisième, de même à tous ceux qui conduisaient les troupeaux, en disant: « c’est ainsi que vous parlerez à Ésaü quand vous le rencontrerez…Et vous direz: ‘voici que lui-même, ton serviteur Jacob, nous suit car il s’est dit: « je veux l’apaiser par le présent qui me devance, ensuite je verrai son visage, peut être sera-t-il bienveillant pour moi. »

La tactique de Jacob est d’envoyer les présents par vagues successives, de façon à impressionner favorablement Ésaü et le rendre de plus en plus confiant en sa volonté de paix. En même temps, Jacob prend des dispositions pour s’isoler :

Béréchit 32:22 à 32:24. Le présent défila devant lui et lui, demeura cette nuit là dans le camp…Plus tard, dans la nuit, il se leva et prit ses deux femmes, ses deux servantes et ses onze enfants et traversa le gué du Yaboc…Puis il les aida à traverser cette rivière et fit aussi traverser ce qui était à lui.

Quatrième étape : Jacob se retrouve seul, et un événement étrange se produit.

Béréchit 32:25 à 32:29. Jacob resta seul et un homme se mit à lutter avec lui jusqu’à l’aube…Voyant qu’il ne pouvait le vaincre, il lui pressa la cavité de la cuisse, et la cuisse de Jacob se démit…Il dit: « laisse moi partir, car l’aube est venue. » Jacob répondit: « je ne te laisserai pas partir avant que tu ne m’aies béni »…Il lui dit alors: « quel est ton nom? » Il répondit: « Jacob »…Alors il dit: « Jacob ne sera plus désormais ton nom, mais Israël, car tu as lutté avec Dieu et avec les hommes et tu as vaincu. »

Ce passage énigmatique de la Torah nous interpelle. Contre qui Jacob a-t-il lutté, un ange, une représentation de son frère Ésaü, certains aspects de sa propre personnalité ou Dieu sous une apparence humaine ? La logique voudrait que l’on privilégie l’hypothèse d’un ange, messager de Dieu.

Jacob devient Israël, « celui qui a combattu avec Dieu et qui a vaincu. » Le terme « Israël » est aussi à rapprocher du terme « Yachar-el » signifiant « qui est droit avec Dieu ».

Les étapes franchies par Jacob sont-elles les étapes de la paix intérieure ?

Au-delà des étapes qu’il a dû franchir, Jacob s’est retrouvé transformé et en paix avec lui-même. L’étape fondamentale est certainement celle du travail intérieur que Jacob a été contraint d’opérer.

Revenons sur la lutte entre Jacob et « un homme ». La relation d’Alliance avec Dieu n’inclut-elle-pas une part de lutte avec nous-même et avec notre environnement ? Lutte au-delà de laquelle nous trouvons en général la paix. Par ailleurs, la lutte entre Jacob et « un homme » n’a-t-elle pas aussi inspiré nos relations avec autrui, quand la plupart des confrontations se concluent par un rapprochement, un accord pacifique ?

Ceci est à étendre à la prise en charge de nos difficultés personnelles du passé, celles qui ont encore prise sur nous, pour mieux les analyser, les résorber et ne plus les craindre.

Paracha Hayé Sarah : combien de temps allons-nous sacrifier nos enfants ?

Pendant encore combien de temps allons-nous sacrifier nos enfants ? Tout au long de l’histoire, de jeunes personnes, au plus fort de leurs capacités physiques et morales, sont parties combattre et se sacrifier pour leurs aînés, leurs clans ou leurs nations.

Le sacrifice d’Isaac est d’un tout autre type, mais il nous conduit quand même à nous poser cette question sur un plan général.

Isaac n’est pas mort, mais sa mère Sarah est littéralement morte d’angoisse à l’idée de le perdre. Pourquoi « Dieu » aurait-il permis une telle chose?

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La paracha Hayé Sarah du sefer Béréchit (Genèse) 23:1 à 25:18 et les vies de Sarah

Béréchit 23:1 à 23:2. Et la vie de Sarah fut de cent vingt-sept années; telle fut la durée des années de la vie de Sarah…Sarah mourut à Kiriath-Arba, c’est à dire à Hébron, dans le pays de Canaan. Abraham y vint pour se lamenter sur Sarah et la pleurer.

Le midrach raconte que Sarah est morte suite au départ d’Abraham et d’Isaac. Sarah mourut avant Abraham. Elle fut admirable et irréprochable pendant toute une vie au parcours éprouvant : le départ de Haran pour une terre inconnue, l’enlèvement par Pharaon puis par AbiméleH, et pire encore, le départ d’Isaac.

Le départ d’Isaac avec son père, sur ordre de « Dieu » est un épisode délicat et très discuté. Il s’agit d’un très beau passage (encore plus en hébreu) qui souligne la proximité entre le père et le fils, et leurs questionnements concernant la nature de leur voyage. Selon la tradition juive, ce voyage fut une épreuve, sans aucune intention de réellement sacrifier Isaac. La nature de cette épreuve est discutée: « Dieu » voulait-il vérifier qu’Abraham était bien prêt à tout lui sacrifier? Ou au contraire, « Dieu » voulait-il vérifier qu’Abraham était justement prêt à renoncer aux sacrifices humains fréquents à cette époque? Toujours est-il que cette épreuve subie conjointement par Abraham et Isaac a été vécue par Sarah dans la solitude. Son inquiétude fut telle que Sarah ne pût résister à l’angoisse qui la submergeât et qu’elle mourût.

Revenons à la destinée de Sarah. « Hayé Sarah » (חַיֵּי שָׂרָה), « la vie de Sarah », ou plutôt « les vies de Sarah », comme si Sarah avait eu plusieurs vies. Le mot « chana » (שָׁנָה), « année », est repris plusieurs fois, car dans la tradition juive le caractère sacré de la vie correspond au sacré de chacun de nos instants de vie, de chacune de nos années de vie.

La vie de Sarah fut parfaite. Sarah vécut 127 ans. « Les 3 vies » de Sarah furent de 100 ans, 20 ans et 7 ans. Cette façon de voir les choses signifie que Sarah fut admirable et irréprochable à 7 ans, à 20 ans, comme à 100 ans malgré ce qu’elle endurât. Sarah fut très belle aussi; ce qui provoqua quelques déboires lors de ses voyages avec Abraham, aussi belle à 100 ans qu’à 20 ans et à 7 ans.

Toujours d’après Rachi, l’expression « chné Hayé Sarah » (שְׁנֵי חַיֵּי שָׂרָה), « les années de la vie de Sarah » est à souligner, car absolument toutes les années de la vie de Sarah sont à prendre en considération. Chacune de ces années fut imprégnée de sa bonté, de sa sagesse, de son aura.

Sarah fut la première des matriarches et patriarches à être inhumée à Hébron anciennement appelée Kiriath-Arba,  » la colline des quatre ». Effectivement, 4 couples fondateurs y sont enterrés : Adam et Ève (d’après la tradition), Abraham et Sarah, Isaac et Rébecca, Jacob et Léa.

L’année dernière, tout près d’Hébron, le Rabbin Arik Ascherman de l’association « Les Rabbins pour les droits de l’homme » a été attaqué au couteau alors qu’il défendait le droit des arabes palestiniens à la culture des oliviers. Hébron est actuellement un foyer de haine (comparable à la mésaventure de Caïn et Abel) où la coexistence est devenue extrêmement difficile.

La ville d’Hébron est âgée d’environ 4000 ans (période du bronze ancien). Hébron a été détruite une première fois il y a 3500 ans lors d’une invasion égyptienne, puis a été reconstruite, puis redétruite, puis reconstruite. Les Juifs en ont été chassés ou ont été tués. Des pogroms ont eu lieu en 1517, 1834, 1929…contre les Juifs qui sont quand même revenus. Malheureusement, en 1994 c’est un Juif, Baruch Goldstein, qui a tué 29 arabes palestiniens dans le Tombeau des Patriarches.

Aujourd’hui, Hébron est très loin d’être le lieu de paix dédié à Sarah. Cependant, il est important de mentionner qu’un Sage chrétien du 5° siècle disait qu’Hébron était, à cette époque, un lieu de fêtes estivales annuelles où se retrouvaient dans la joie, chrétiens, juifs et païens (l’Islam n’existait pas encore). Hébron garde son potentiel d’union, et le retrouvera peut-être un jour.

Rappelons-nous un passage de la Genèse qui cite l’Éternel [parlant à Abraham, le mari de Sarah] : « …et par toi seront bénies toutes les familles de la Terre ». Rappelons-nous aussi, que selon le Midrach, Sarah a allaité tous les petits enfants présents au banquet donné en l’honneur d’Isaac, en signe de partage. À travers ces faits, mettons en avant les initiatives de paix de la population de l’état d’Israël. Des associations s’activent en ce sens : « Les Rabbins pour les droits de l’homme », « Les enfants pour la paix », etc… Mettre en avant les initiatives pacifistes, c’est leur donner plus de poids.

Évoquer Sarah nous fait songer à un monde sans violence

Le nom de l’association « Les enfants pour la paix » est très significatif. La meilleure façon d’épargner, de soutenir les enfants, de les inciter à rester en paix, qu’ils soient israéliens, palestiniens, de n’importe qu’elle religion ou nationalité, est de les faire se rencontrer et de leur confier la responsabilité de leur avenir. Ainsi, par eux-mêmes, ils deviendront tolérants, s’apprécieront, et seront heureux de construire ensemble un monde sans violence.

L’expression Hayé Sarah, « les vies de Sarah » au pluriel, symbolise notre capacité d’évolution vers un monde de paix en nous investissant, comme elle, dans cette direction, chaque minute, chaque journée, chaque année de notre vie.

Le Tombeau des Patriarches, où se trouve Sarah, peut encore être visité. Il matérialise le devoir de mémoire nécessaire à une projection vers un futur de paix. Un futur de paix où le sacrifice de nos enfants n’aura plus aucun sens.

Paracha LèH LéHa : les voyages forment la Genèse !

Quelques mots à propos d’Abraham, le patriarche, qui se nommait alors Abram.

Il y a environ 3900 ans (datation soumise à discussion), Térah (תרח), descendant de Sem et père d’Abram (qui ne se nomme pas encore Abraham), regroupa sa famille et ses proches, dans la ville d’Ur en Chaldée (Mésopotamie). Puis l’ensemble du groupe prit la route pour des raisons non précisées, et s’établit à Haran, ville araméenne, où Térah mourut. Alors, Dieu se manifesta et demanda à Abram de conduire le groupe d’hébreux au pays qu’il lui avait choisi, la terre de Canaan.  Contrairement à l’idée reçue, Térah était donc l’initiateur du voyage familiale, interrompu en chemin.

La lecture de la paracha LèH LéHa qui conte cet épisode, nous conduit à évoquer les multiples voyages des hébreux ainsi que ceux, plus récents, du peuple juif; et à nous interroger aussi, sur l’expression « Juif errant ».

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La paracha LèH LéHa du sefer Béréchit (Genèse) 12:1 à 17:27 et la mission confiée à Abram

Parfois nous avons besoin d’une impulsion, d’un élan pour nous décider à bouger, prendre des risques, nous investir dans un projet, affronter l’inconnu. Le nom de notre paracha, LèH LéHa, qui signifie « Va par toi-même » correspond au nom  que l’on pourrait donner en hébreu à cette impulsion.

Effectivement, l’Éternel s’adresse à Abram pour l’informer de sa mission et lui donner l’élan nécessaire à son accomplissement.

Béréchit 12:1. « Alors l’Éternel dit à Abram: « Va-t’en par toi-même de ton pays, de ton lieu de naissance et de la maison de ton père, vers la terre que je t’indiquerai . »

Dans ce type de situation, être soutenu a beaucoup d’importance. Ici, Abram a le privilège d’avoir la confiance et le soutien de Dieu pour se lancer.

Béréchit 12:2. « Je ferai de toi un grand peuple, et je te bénirai, et j’agrandirai ton nom, et tu seras une marque de bénédiction. »

Selon Rachi, le verset précédent est très parlant. Quiconque s’investit dans une mission difficile ou s’en va affronter l’inconnu prend des risques : ne pouvoir créer une famille avec une nombreuse progéniture, avoir des nécessités matérielles ou financières, se retrouver dans l’anonymat. À nous de bien connaître ces risques en de telles circonstances.

L’entreprise audacieuse d’Abram et Saraï, qui sont devenus Abraham et Sarah, est un événement à mettre en parallèle avec les risques pris par le peuple Juif tout au long de son histoire.

Le thème de la paracha est l’occasion de commenter l’expression « Juif errant ». Certains ont en eux une image déformée du peuple juif. Ils se le représentent comme un être égaré sur terre, ne sachant où aller, sans racine, se sentant partout en exil. C’est très loin de la vérité. En fait, cette expression fait référence à Caïn dans la Bible. Après qu’il eut tué son frère Abel, Dieu lui avait dit : «  Et bien, tu es maudit à cause de cette terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère… Lorsque tu cultiveras le sol, il cessera de t’offrir sa fécondité et tu seras errant et fugitif sur la Terre. »

Ainsi, ceux qui font l’amalgame, tentent d’associer les juifs à Caïn le meurtrier et non à Abraham le « passeur ». Cette vision est héritée d’une pensée heureusement remise en cause par le concile Vatican II. Certains d’entre nous ont encore le souvenir de cette époque.

De nombreux personnages bibliques ont suivi la voie ouverte par Abraham, fondateur du monothéisme. Ils sont surtout mentionnés dans les pages de la Genèse (Béréchit) et de l’Exode (Chemot). Parmi ceux qui ont suivi ce type de parcours, citons Rebecca, Jacob, Joseph et bien-sûr Moïse avec l’ensemble des enfants d’Israël. Nous pouvons mentionner également l’exil de Babylone et la dispersion des Juifs au cours de l’occupation Romaine.

L’apport des voyages aux enfants d’Israël

Le terme d’errance a une connotation morale, comme si les juifs avaient « perdu la boussole ». Certes les juifs ont été déportés et déplacés ou chassés de nombreuses fois, et ils ont également parfois choisi de voyager. Mais associer ces déplacements à un manque de qualités humaines n’est pas juste. A travers ces voyages, le peuple Juif est volontairement allé au contact des autres peuples. Il s’est enrichi culturellement, technologiquement et spirituellement de tous ses déplacements, de tous ses rapprochements avec les autres populations. Ces rapprochements  n’ont en rien altéré l’identité juive. Au contraire, ils l’ont enrichie au plus profond d’elle-même. L’identité juive en est devenue plus forte, plus sage, plus tolérante.

Pour faire le lien avec Abraham, citons un autre verset de la paracha le concernant :

Béréchit 12:3. « Je bénirai ceux qui te béniront, et ceux qui t’outrageront, je les maudirai; et par toi seront bénies toutes les familles de la Terre. »

En 1999, Danièle Hervieu-Léger, sociologue des religions, a écrit un livre intitulé « Le pèlerin et le converti ». Cet auteur a beaucoup travaillé sur les problèmes de transmission, de conversion et de formation des identités religieuses. Elle suggère que nous entreprenions un voyage au fond de notre propre identité et que nous allions vers l’autre afin d’accéder à un enrichissement spirituel mutuel. Une autre forme de voyage.

Apprenons à tirer parti de tout type de voyage. Songeons souvent à celui d’Abram et Saraï.