Les voyages et leurs bénéfices virtuels (Paracha Massaé) (ou: Pokemon et plus encore!)

Pour accompagner les voyages de vacance!

Avatar de Floriane ChinskyLiberté juive

Je partage cette petite Dracha composée spécialement Chabbat dernier à l’occasion de mon passage au GIL, la synagogue libérale de Genève.

Dans le texte que nous venons de lire dans le sidour, il est question de voyages. Le voyage dans l’espace et le voyage dans le temps. Puisque nous disons que les voyages forment la jeunesse, il est intéressant de se demander en quoi ils nous aident à évoluer. Cette question est présente non seulement dans la Torah mais aussi dans toute l’histoire juive ; en effet, notre expérience en tant que peuple couvre  de vastes espaces dans l’histoire autant que dans la géographie. Cette même question se pose à chacun d’entre nous, lorsque nous traversons les différents âges de la vie, chaque fois que nous rencontrons des situations et des personnes nouvelles.

Pour moi qui suis justement en visite dans cette belle synagogue de Genève, la question est très présente…

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Sur le pont étroit de la liberté! – 3 – Au delà de notre confort immédiat: l’urgence d’agir (Discours de Kipour 5776)

Voir la deuxième partie: Dépasser nos peurs

L’appel des prophètes nous met en garde. Si nous ne pratiquons pas l’entre aide et la tsédaka, si nous extradons de la réalité, si nous nions la souffrance autour de nous, les catastrophes nous attendent au tournant.

Il n’y a de sécurité que partagée. Il peut y avoir des écarts sociaux, mais pas trop. La terre est restituée aux perdants du jeu économique tous les 50 ans. Les dettes qui vous réduisent à néant sont annulées tous les 7 ans. C’est le yovel, le jubilée, c’est la chemita, l’année chabbatique, que nous avions cette année.

Telle est la condition de la liberté. La liberté des uns COMMENCE là où COMMENCE celle des autres (adaptation personnelle).

Tel était le propos du Pasteur Niemöller. Quand certains s’en prennent aux « communistes, juifs, syndicalistes, catholiques (le protestantisme étant dominant en Allemagne, là où il vivait) », si je ne les défends pas, je risque fort d’être le suivant sur la liste. Cela vaut également aujourd’hui pour les grecs, les syriens, les arabes ou encore, les femmes, les convertis, etc…

Si nous n’écoutons pas cet appel, nous dit la torah, la terre nous vomira. Dans la Torah, il est fait mention de cette responsabilité au niveau du peuple juif et de la terre d’Israel. En ce jour de Kipour, à la veille du cap 21, nous sommes conscients que c’est la planète entière qui est concernée, et qu’elle pourrait finir par détruire cette étrange espèce puissante mais souvent inconsciente, l’espèce humaine.

Nous demandons : « Bénis nous comme un seul par la lumière qui émane de toi » « barHénou KééHad » (fin de la amida, prière « sim chalom »).

Il n’y a pas de bénédiction purement individuelle. Si je souhaite l’emporter sur mon voisin et que lui souhaite l’emporter sur moi, laquelle de nos prières devrait trouver un accomplissement ? Le ‘bon dieu’ devrait- ‘il’ alors mettre en œuvre leur résultante ? L’expression de nos désirs serait annulée, rien ne pourrait se produire. Si au contraire nous formulons des désirs personnels en harmonie avec l’intérêt collectif, ils pourront trouver leur accomplissement. Tel est le sens de la bénédiction. Une fois l’harmonie installée, nos espoirs peuvent devenir des actes constructifs et chaque parcelle de notre énergie trouve sa réalisation. La bénédiction consiste peut-être justement en la capacité de conjuguer harmonieusement nos forces.

Notre liberté évolue donc sur le fil, entre trop d’insatisfactions et trop d’autosuffisance.

Dans ce contexte compliqué, parmi de nombreux penseurs et sages de différentes époques, nous pouvons aujourd’hui mentionner Viktor Frankl.

Lire la suite ici…

Téchouva pédagogique!

Les vacances nous offrent en cadeau une relation parentale libérée des contraintes du quotidien.
Elles nous permettent de préparer l’année à venir, et en particulier les événements de la rentrée.

La rentrée juive est un soutien pédagogique extraordinaire aux valeurs que nous défendons auprès de nos enfants.

Tichri nous invite à approcher la pensée et l’étude des questions fondamentales de la vie avec joie, c’est SimHat Torah, la fête des enfants dans laquelle les grands trouvent une liberté du bonheur partagé.
Tichri nous introduit également dans l’introspection, la critique bienveillance de nous-même. Ce sont les « jours redoutables », Roch Hachana et Yom Kipour, des fêtes pour adultes, grâce auxquelles les enfants peuvent apprécier l’importance que nous accordons au fait de toujours chercher à « grandir » et à nous améliorer, quel que soit notre âge.

Nous avons développé ces questions dans les deux précédents articles.
Voyons comment notre exemple peut également inspirer nos enfants dans leur cheminement.

En tant que parent, nous pouvons choisir de partager nos espoirs, nos réussites et nos échecs avec nos enfants, dans une mesure adaptée à leur compréhension bien sûr.

C’est une façon certaine de leur témoigner du respect que nous avons pour l’introspection, de la bienveillance avec laquelle nous jugeons nos échecs et nos imperfections, de l’importance à nos yeux de toujours chercher à mieux faire, sans juger.

Les textes de Roch hachana sont emplis de ces invitations à la bienveillance et à l’amélioration:
Si nous avons commis des erreurs, c’est sans le vouloir.
Nous nous invitons par le chofar, l’étude des textes, l’immersion dans un mikvé, et les offices, à recommencer à nous construire avec de nouvelles forces.
Tel est le sens de cette « téchouva », ce retour au meilleur de nous-même, que nous entreprenons à l’occasion des fêtes de Tichri.

Un autre élément fondamental de cette période est la réconciliation.
Chacun est censé demander pardon, reprendre sur de nouvelles bases non seulement au niveau personnel mais également au niveau relationnel.
Cet aspect n’est pas toujours évident à mettre en œuvre car nos partenaires amoureux, amicaux, familiaux ou professionnels ne sont pas toujours ouverts à cette question.

On peut, en souhaitant une bonne année aux uns et aux autres, ouvrir la discussion avec prudence. « Je voulais te souhaiter une bonne année, nous avons passé du temps ensemble en tant que collègues, et à l’occasion de cette fin d’année, je me demandais si nous pourrions améliorer notre façon de travailler ensemble ? Peut-être as-tu eu l’occasion d’y penser ? Voudrais-tu que nous en parlions à l’occasion ? »
Bien sûr, il nous appartient d’être juges de l’opportunité d’ouvrir ce dialogue et de le conduire au mieux.
Tichri nous invite à nous interroger sur la meilleure attitude à adopter pour permettre une fluidification des relations.

Pour ce qui est de nos enfants, la question est plus simple puisque nous nous appuyons sur notre devoir d’éducation pour leur transmettre ce qui nous tient à cœur. En principe, ils sont convaincus de notre bienveillance à leur égard.

Nous pouvons alors probablement soulever certaines questions. Le principe du fait que nous les aimons et que nous les acceptons dans les différentes composantes de leur personnalité doit être posé de façon évidente. Ceci établi, il est légitime de partager nos expériences…
Qu’aimons-nous dans leur attitude ? Qu’est-ce qui nous est difficile ? Et eux, qu’aiment-ils ? Quels seraient leurs désirs ? Il est normal d’avoir des désaccords, tout ne doit pas être résolu.

Il est des questions à propos desquels nos enfants n’ont pas la maturité pour définir leur meilleur intérêt, et d’autres pour lesquelles nous pouvons de façon discrétionnaire décider de ce qui est ou non acceptables dans nos murs. Ils ont le droit de ne pas être d’accord, et peuvent choisir la meilleure façon pour eux de gérer leur désaccord. Mais dans beaucoup de cas, il est possible d’identifier les besoins de chacun et de trouver les stratégies adéquates pour les satisfaire d’une façon acceptable par le collectif familial en général et par les parents en particulier.

Quel meilleur temps que les vacances, ce moment ensemble, ce moment sans contraintes, pour poser les bases d’un renouveau personnel et relationnel ? Nous pourrons alors ancrer toutes ces discussions et toutes ces décisions en les écrivant, en les racontant, en venant en parler au rabbin et de toute façon qui puisse vous convenir.

N’hésitez pas en tout cas à me faire part de vos commentaires, pour que nous puissions partager nos expériences !

Bonnes vacances 5775, et très bons préparatifs pour 5776 !

Embrasser le passé, Chérir l’avenir – pédagogie de Roch Hachana

L’année scolaire s’est achevée, les vacances sont à leur début, et tout semble possible!
Chaque étape de la vie est l’occasion d’intégrer de nouvelles pratiques susceptibles de nous rendre la vie plus belle.

Comment profiter des vacances?
Ces moments de tranquillité permettent de renforcer les liens familiaux et filiaux, de mettre en place de bonnes pratiques relationnelles qui renforceront la base d’amour si fondamentale pour que nous soyons en mesure de guider nos enfants tout au long de l’année.

Au cours de nos réflexions de ce matin, au cours “Le judaïsme, un atout pour l’avenir de nos enfants”, nous avons envisagé deux directions. Les vacances permettent de mettre en place des habitudes qui nous serviront au quotidien, d’une part, mais aussi de nous préparer à utiliser le plein potentiel pédagogique des fêtes de Tichri. Nous avons pu parler déjà de SimHat Torah, une fête « orientée enfant » par excellence, bien qu’elle soit également très riche spirituellement et intellectuellement.

Les « jours redoutables » pour leur part recèlent un potentiel insoupçonné sur le plan pédagogique.
La faute et les erreurs ne sont pas des fatalités, nous sommes tous unis dans la recherche de notre meilleur nous-mêmes, nous sommes égaux devant nos faiblesses et égaux face à notre potentiel d’amélioration.

Ces messages contribuent à inscrire les enfants dans une identité positive, à se considérer comme des « gens biens ». Les étiquettes influencent notre manière d’être. Celui qui se considère de façon négative a du mal à s’améliorer. Les jours redoutables brisent ces étiquettes, tel est le sens profond du Kol Nidré que nous prononçons solennellement le soir de Kippour.

Pourtant, les étiquettes positives peuvent nous inviter à nous complaire dans le sentiment de notre « bonté ».
Tichri nous enseigne que la seule façon d’être des « gens biens », c’est d’admettre nos imperfections et de chercher à nous améliorer.

Roch hachana et Kipour sont bien sûr fondamentales et jouent un rôle important également pour les plus petits. Pour en tirer un profit pédagogique, nos enfants ont pourtant besoin de notre aide.

En effet, ces fêtes sont avant tout des temps d’introspection.
La porte d’entrée pour les plus jeunes peut se faire de façon ludique, à travers le choix ensemble de vêtements blancs par exemples, qui souligneront le sens de ces fêtes.

On peut prévoir un seder de Roch Hachana, qu’il soit traditionnel selon les différentes coutumes séfarades ou créatif à la mesure des désirs de nos enfants. L’idée est de choisir notre menu préféré ainsi que des mets symboliques qui représentent nos espoirs pour l’année à venir.
Le seder traditionnel s’appuie sur des jeux de mot en araméen.
Il est tout à fait possible de se tourner vers des jeux de mots (laids) en français. Ainsi, des bananes, permettront de se souhaiter une « banne année », des pêches pour avoir la pêche, et on peut décliner cela à l’infini.

Roch hachana implique également une vision rétrospective de nos vies et une prise de décision concernant l’année à venir. Comment partager cela avec nos enfants?

Tous les moyens sont bons.
On peut leur demander de dessiner les trois évènements les plus marquants de l’année, ou leur proposer de les raconter.
On peut reprendre leur cahier de texte et parler de la façon dont ils ont vécu chaque saison, les différentes étapes scolaires, les différentes vacances, les événements familiaux, qu’ils soient joyeux ou douloureux.
On peut ouvrir les albums photo.
Nous avons ainsi une nouvelle chance de poser des mots sur leurs expériences.

Pour ce qui est de la projection dans l’avenir, on peut parler avec eux de leurs espoirs pour l’année à venir, les plus jeunes et les plus créatifs peuvent une fois de plus passer par le dessin et se représenter dans leur future classe de CM2, raconter leur entrée en 6e, envisager ce que seront leurs espoirs, leurs défis et leurs atouts lors de leur entrée à l’université…
Ce sont également des thèmes à aborder à la table familiale, chacun prenant ainsi la mesure de l’importance des différents enjeux de chacun.

Il sera alors plus facile de faire preuve d’empathie, de garder la maison calme lorsque l’ainé prépare des examens ou d’augmenter ses capacités de tolérance au chahut quand la petite dernière fête son anniversaire!
Il est possible de garder les dessins ou les récits de nos espoirs pour l’année à venir et de les revisiter en fin d’année, lorsque un nouveau cycle recommencera… Ce qui a vraiment compté pour nous, était-ce justement ce que nous attendions ou d’autres événements imprévus?

Les dessins pourront également trouver leur place sur le mur du salon pendant la période des fêtes, ou dans la souka, et pourquoi pas sur les murs de la synagogue, pour que vos enfants s’y sentent bien chez eux!
On peut imaginer par exemple un dessin de l’espoir, reprenant nos aspirations pour l’année à venir, sur lequel travailler pendant les vacances, à accrocher dans le salon à l’occasion de roch hachana et à amener à la synagogue pour kipour… De cette façon, les dimensions individuelles et collectives qui sont représentées au cours des fêtes de tichri trouveront également leur place pour chacun d’entre nous.

N’hésitez pas à me faire partager le fruit de vos réflexions et de vos expériences… Les dessins des plus ou moins jeunes seront également bienvenus…

Un SimHat Torah pédagogique!

L’année scolaire s’est achevée, avec ses malédictions, les vacances commencent, avec leurs bénédictions! (voir « aHot Kétana », cette magnifique prière d’entrée dans l’année nouvelle juive).
Chaque étape de la vie est l’occasion d’intégrer de nouvelles pratiques susceptibles de nous rendre la vie plus belle.
Comment profiter des vacances?

Nous avons vu dans un précédant article comment les vacances peuvent permettre de mettre en place de bonnes habitudes pour l’année à venir.

L’installation de ces façons joyeuses de fonctionner pour soi-même et pour les autres est soutenue par les fêtes de Tichri.

Le changement peut faire peur. La pensée et la pratique juives nous invitent à le considérer d’une façon positive, à le prévoir et à l’accompagner, à l’anticiper tout en restant flexibles.
Les fêtes de Tichri soutiennent la mise en place des valeurs et des bonheurs que nous voulons partager avec nos enfants.

Comment transmettre notre amour du questionnement à nos tout petits? Comment faire aimer les livres à nos plus jeunes qui ne savent pas encore lire? La fête de SimHat Torah donne une expression très concrète à notre amour de l’étude et du questionnement existentiel.

SimHat Tora incarne l’importance de la joie dans notre tradition. La joie à son paroxysme est associée au livre. Chanter, danser, vivre physiquement notre attachement à la tradition intellectuelle d’Israël est important.
Pour les plus jeunes, les vecteurs concrets et physiques sont la meilleure porte d’entrée dans l’amour de la tradition.

Comme l’année dernière, nous ouvrirons intégralement le sefer torah, chacun contribuera à le tenir ouvert. Cet acte est un message puissant de l’importance d’être ensemble pour savoir « lire » le message de la torah.
Il symbolise le fait que chacun a sa part, sa place et son importance.

Nous effectuerons également des danses Klezmer. Ces danses ont la particularité d’être accessibles à tous et de permettre des figures surprenantes et réjouissantes, de créer un bonheur d’être ensemble.

A titre familial, on peut prévoir d’acheter des livres à offrir à nos enfants à cette occasion, on peut leur faire apprendre les bénédictions de montée à la torah ou certains chants que nous reprendrons ensemble à la synagogue.

SimHat Torah, pour les enfants, c’est la fête des bonbons, des drapeaux et des danses.
Pour les adultes, c’est l’occasion de raviver une joie simple tout en s’interrogeant sur ce qu’est la joie et ce qu’est la vie qui passe, comme nous y invite le livre de l’ecclésiaste.

D’un point de vue pédagogique SimHat Torah (et soukot), sont les premières fêtes juives, car elles sont accessibles à tous les âges et placent le plaisir d’être ensemble au premier plan.

N’hésitez pas à partager vos idées pédagogique autour de cette fête merveilleuse…

Fabriquer du sacré, sans jamais se sacrifier ! Paracha Vayikra

Nous aimons nous sentir généreux et altruistes, agir seulement dans l’intérêt du bien, mais nous n’y arrivons pas toujours.
La paracha Vayikra nous parle des sacrifices, ces actes qui doivent nous permettre de « rattraper nos erreurs ».
Pourtant, nous nous souvenons que les premières offrandes et les premiers sacrifices ont mené au premier meurtre, au premier fratricide. Caïn, l’initiateur de la première offrande, a tué son frère Abel, justement à cause de « guerres d’offrandes ».

Alors, le sacrifice nous mène-t-il au pardon de la faute, comme le dit Vaykra, le lévitique, ou à la faute suprême, comme le dit la Génèse ? Les offrandes à Dieu amènent-elles la paix ou bien la guerre ?
Ces questions sont plus que jamais d’actualité.
Les sacrifices servent-ils à quelque chose, et si oui, à quoi ?

Lorsque les pirké avot disent « le monde repose sur trois choses », les trois choses mentionnées sont (selon chimon hatsadik): Torah, Avoda, Guémilout Hassadim.
Torah, l’étude, la guémilout Hassadim, le fait de faire du bien autour de soi et la Avoda.
על שלושה דברים העולם עומד–על התורה, ועל העבודה, ועל גמילות החסדים

Qu’est-ce que la Avoda ? Il s’agit du « service », de ce que nous faisons « pour Dieu », du culte que nous faisons au temple à l’époque où il existait et le « service du cœur », la prière, que nous chantons ensemble à la synagogue à notre époque.
Le monde reposait sur les sacrifices et repose sur le service du cœur qui l’a remplacé.

Les sacrifices au temple avaient des objectifs divers : Les olot marquaient les transitions de la vie, les naissances, les conversions, les guérisons… Les chélamim étaient les offrandes festives, consommées par toute la famille au temple. Les Hatat étaient amenée pour tourner la page après avoir commis une faute. Le acham s’adressait aux réparations, en plus des offrandes quotidiennes qui permettaient aussi aux prêtres de se nourrir.

Aujourd’hui encore, nous avons besoin de marquer les transitions, d’investir dans les fêtes en famille et entre amis, de réparer nos erreurs, de nous pardonner, et de faire vivre nos maîtres, nos enseignants, nos penseurs et nos thérapeutes et médecins.

Cela nous permet de nourrir à la fois le bonheur et la précision morale.
Cela nous permet de rendre nos vies sacrées, sacer-fere, dans toutes leurs dimensions, joyeuses et douloureuses.
Cela nous rapproche, karev, de nous-mêmes et des autres.

Se sacrifier, c’est se mettre dans une position de faiblesse, et peut-être aussi attendre des autres une reconnaissance, se mettre en état de victime, pousser les autres à une condition de persécuteur ou de sauveur, le trio infernal et fluctuant que démonte la théorie des jeux de l’analyse transactionnelle. Le « sacrifice » victimaire appelle le meurtre ou le suicide, comme dans l’histoire de Caïn et Abel, comme les meurtriers sacrifiés qui commettent des attentats.

Faire un Korban, ce n’est pas sacrifier quoi que ce soit, faire une offrande, ce n’est pas perdre quelque chose. C’est établir une proximité à travers le marquage des transitions de la vie, à travers la consommation de repas ensemble, à travers le rapprochement avec nos valeurs.
Notre tradition refuse le sacrifice au sens martyrologique du terme et nous invite au contraire à nous rapprocher, à faire des kornanot.

Puissions-nous toujours agir dans la liberté en rendant nos vies sacrée, avec l’aide de la merveilleuse pensée de notre tradition.
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Alors interrogeons-nous. Qu’est-ce qui aujourd’hui nous permet de nous rapprocher ? De nous rapprocher de notre idéal moral en réparant nos faiblesses ? De nous rapprocher de nous-mêmes en nous pardonnant nos faiblesses ? De nous rapprocher des autres en partageant des moments de joie avec nos proches, et avec les « étrangers » ceux qui sont un peu moins proches et peuvent avoir besoin eux aussi de notre chaleureuse amitié ?
La table familiale est censée remplacer l’autel depuis la destruction du temple. Lui donnons-nous cette fonction ? Suffit-elle à nous rapprocher ?
La prière est réputée remplacer le service des offrandes au temple. Arrivons-nous à l’investir de cette façon ? Y aurait-il d’autres choses à faire ?
L’étude nous permet-elle de nous élever comme nous le voudrions ? L’écoute attentive d’un rabbin suffit-elle à nous redonner courage ?
Que pouvons-nous faire pour ne jamais être des victimes, mais toujours des personnes qui prennent en main le caractère sacré de chaque instant de notre vie ?
Voici quelques questions à partager…

Faisons beuguer le buzz, le rassemblement de Vayakel

Vous savez ce qu’est un buzz ?
D’après le Larousse, il s’agit d’une forme de publicité où le consommateur lance le produit. En 2001, le Harvard Business Review publiait un article qui analysait la nature du Buzz, et prouvait que plus de 2/3 de l’économie américaine était fortement influencée par ce phénomène.
Une publicité par le « bouche à oreille » ? Une publicité où le consommateur lance le produit ? Traduisons : C’est une forme de publicité où c’est la cible qui tire la flèche !

Et c’est bien ce que dit le Talmud : La flèche, c’est la langue !
בבלי ערכין דף טו :ב : אין חץ אלא לשון

Mais en fait, il me semble qu’on pourrait voir dans la notion de buzz une version marketing de l’idée de ‘même’, inventée par Richard Dawkins et publiée en 1976.
La mémétique, la science des mèmes, compare les idées à des gènes voire à des maladies, les idées seraient transmises, portées et répliquées par nous, avant que nous les retransmettions et les partagions à notre tour. Le « like » de facebook est loin d’être anodin !
Alors, sommes-nous contaminés sans le savoir ? Ou plus précisément : par quoi sommes-nous contaminés et en sommes-nous conscients ?
L’anthropologue Dan Sperber soutient que les idées sont plus ou moins contaminantes. Les idées, ou les histoires drôles ou tragiques, les citations de petites phrases abominables ou racistes, les citations positives également et les mots d’esprit. Tout cela passe par nous et se propage à travers nous.

Qu’est-ce qui fait le succès d’une idée selon lui ?
Trois facteurs entrent en compte :
1 – l’idée est-elle conforme à nos représentations mentales ?
2 – l’idée est-elle plus ou moins conforme aux représentations publiques ? Est-elle compatible avec ce que la plupart des gens croient déjà ? Est-elle défendue par des personnes faisant autorité ?
En résumé, nous sommes contaminés par les idées qui trouvent une accroche dans ce qui existe déjà dans notre pensée, et nous risquons de devenir nous-mêmes des éléments de contagion.

Alors pensons-y un instant. Quelles sont les idées qui nous envahissent ? Quelles sont les idées qui se propagent à travers nous ? Et quelle sont au contraire les idées que nous recherchons ? Celles que nous essayons consciemment de transmettre ?
Et les gens qui disent des atrocités racistes, que recherchent-ils ? Sont-ils victimes de contagion ? Sont-ils au contraire des contaminateurs conscients ? Ceux qui tentent de semer la terreur, quel est leur but ?
Et que faisons-nous, quand nous sommes nous-mêmes contaminés ?

Recherchons la parenté de ces concepts très modernes avec ceux de la tradition. En « langage juif », ces idées sont développées sous le nom de « lois du lashon hara », commandements concernant le mauvais langage. Il existe un interdit de s’exprimer d’une manière négativement contaminante. Ce commandement nous invite à être conscients de ce que nous véhiculons. Il remonte au temps de la Torah lui-même, qui interdit l’anti-communication et la compare à la lèpre. Déjà dans la Torah, on compare la propagation des idées mauvaises à celle d’une maladie.

On comprend bien pourquoi le traité talmudique araHin détaille les méfaits d’un mauvais usage du langage :
Le lashon harah détruit trois personnes : celui qui le dit, celui qui l’entend et celui dont on parle.
בבלי ערכין דף טו :ב :לשון תליתאי קטיל תליתאי, הורג למספרו ולמקבלו ולאומרו
Dans la perspective de la « contamination » des idées, on comprend bien pourquoi celui qui entend est victime autant que coupable. Il se fait le vecteur d’idées destructrices.

Le problème n’est plus du tout : « Est-ce que untel a réellement dit telle atrocité raciste ? » mais devient : « Qui me raconte cela ? Dans quel but ? Est-ce que je veux l’entendre ? Quel impact cela a-t-il sur moi ? Qu’est-ce que cela signifie socialement ? ».
Si les consommateurs boycottent le produit, les producteurs fermeront boutique. Si nous ne relayons pas les messages de terreur ou les messages racistes, ceux qui en font leur pain blanc devront se tourner vers du pain azyme.

Voilà donc la première mesure à mettre en œuvre pour faire taire les imbéciles dangereux : développer notre résistance à la contamination, en reprenant à l’envers les trois facteurs de Dan Sperber :
1 – Travailler sur nos représentations mentales pour qu’elles soient aussi imperméables que possible à ces idées racistes. Par exemple, on pourrait créer une fête au moment du printemps au cours de laquelle on parlerait de l’importance de respecter l’étranger puisque nous aurions nous-mêmes été étranger en pays d’Egypte. Le seder de PessaH aura lieu cette année les vendredi 3 avril et samedi 4 avril (seder communautaire).
2 – Réduire l’impact social de ces idées et nous appuyer sur les autorités capables de soutenir les visions humanistes auxquelles nous sommes attachés. C’est aussi à cela que servent les rabbins.

Telle est l’une des beautés de la paracha Vayakel-Pékoudé que nous lisons ce chabbat.
Elle nous parle de rassemblement.
Pas de rassemblement épidémiologique, pas de partage de slogans malveillants. Ceci, au contraire, c’était le rassemblement du veau d’or.
Au contraire, le rassemblement de notre paracha se fait par la création d’un espace d’échange conscient des idées. Un espace dans le temps : le chabbat, un espace matériel : le michkan, le temple portatif que transportaient les hébreux dans le désert.

Les meilleures idées de notre civilisation juive ne sont pas toutes « contaminantes », il ne suffit pas de les entendre une fois à la radio pour s’en souvenir comme si nous les avions nous-mêmes inventées. Mais elles sont restructurantes, elles sont « pertinentes ». Pour Dan Sperber, une idée est pertinente quand elle rapporte plus qu’elle ne coûte, quand l’effort qu’elle demande est moins dur que la qualité de pensée qu’elle apporte. Tel est le troisième critère du succès d’une idée selon lui, et c’est certainement le plus noble au sens juif.

C’est peut-être pour cela que les prières du matin insistent et répètent l’enseignement de la michna péa : l’étude de la torah équivaut à tous les commandements. En effet, étudier, approfondir, c’est repousser les mauvaises idées contagieuses et faire de la place aux bonnes idées couteuses.
פאה פרק א :אלו דברים שאין להם שיעור הפאה והבכורים והראיון וגמ »ח =וגמילות חסדים= ותלמוד תורה אלו דברים שאדם אוכל פירותיהן בעולם הזה והקרן קיימת לו לעולם הבא כיבוד אב ואם וגמילות חסדים והבאת שלום בין אדם לחבירו ותלמוד תורה כנגד כולם:

Voici quelques pensées que je souhaitais partager en nos temps médiatiques, en cette époque où les idées sont des armes, où leur diffusion est analysée et instrumentalisée. Notre vigilance est importante. Voici quelques contributions de la pensée juive à la pensée humaine, c’est par le cumul et la confrontation des sagesses que nous avançons le mieux.

Je me doute que ces quelques mots ne feront pas le buzz.
J’espère au contraire qu’ils seront une pierre apportée à l’édifice de notre liberté de penser.

Rabbin Floriane Chinsky

Liens: https://homosemiotikus.wordpress.com/2010/01/03/les-memes-une-facon-de-parler-la-contagion-des-idees-par-dan-sperber-post-in-progress/

Blasphèmes, Péchés, Crimes et Délits par Mano Siri

Voici les définitions qui étaient à la base de notre atelier de dimanche dernier. Définir les mots permet de recadrer sans violence, de recadrer en fonction d’éléments objectifs. Vous trouverez ici le texte préparé par notre intervenante comme base de la discussion. Pour un petit résumé de nos discussions, voir https://poursurmelin.wordpress.com/2015/01/25/interconvictionnel-surmelin/.

Blasphèmes, Péchés, Crimes et Délits par Mano Siri

Quatre notions qui ont en commun de renvoyer à l’idée de « faute » mais que tout sépare ou rapproche selon le système de valeur auquel on se réfère.
Ainsi en est-il par exemple du blasphème.

Qu’est-ce qu’un blasphème ?
Voilà ce que l’on trouve dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert :
BLASPHEME, s. m. se dit en général de tout discours ou écrit injurieux à la Majesté divine : mais dans l’usage ordinaire, on entend plus spécialement par blasphèmes, les jurements ou impiétés contre le saint nom de Dieu, proférés de vive-voix.
Les Théologiens disent que le blasphème consiste à attribuer à Dieu quelque qualité qui ne lui convient pas, ou à lui ôter quelqu’attribut qui lui convient. Selon saint Augustin toute parole mauvaise, c’est-à-dire, injurieuse à Dieu, est un blasphème : Jam verò blasphemia non accipitur nisi mala verba de Deo dicere. De morib. Manich. lib. II. cap. xj. Ainsi ce serait un blasphème, que de dire que Dieu est injuste & cruel parce qu’il punit le péché originel dans les enfants qui meurent sans baptême. Le blasphème est une suite ordinaire de l’hérésie : puisque celui qui croit mal, parle indignement de Dieu & des mystères qu’il méprise. C’est ce qui s’appelle proprement blasphème.

On a donc là une piste qui met clairement le blasphème du côté du péché, et pas n’importe lequel, le péché qui touche à la question même de Dieu : le blasphème n’est donc pas un simple péché mais un péché contre Dieu ; de plus, et c’est peut-être là l’ambiguïté attachée à cette notion il est aussi une atteinte au dogme, à l’orthodoxie qui énonce ce qu’il faut croire et savoir concernant Dieu et, pour parler comme les chrétiens (puisque l’article ici cité de l’Encyclopédie avait été rédigé par un abbé) contre les mystères de la foi.
Bref le blasphémateur est :
– un pécheur
– un hérétique
– un incroyant

Il pèche contre l’esprit pourrait-on dire : la possibilité qu’existe un délit de blasphème implique donc par conséquent une remise en cause radicale des articles 10 et 11 de la DDHC qui stipulent que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que celles-ci ne troublent pas l’ordre public établi par la Loi », et « la Libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas réprimés par la Loi ». La DDH (1948) précise dans son article 18 que « Toute personne a droit à la liberté de conscience et de religion : ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites ».

On comprend donc qu’instituer ou laisser entendre qu’il y aurait un « délit de blasphème » laisserait supposer que la loi qui régit la société, la loi politique donc, serait une loi venant de Dieu ou instituée par Dieu et non pas une loi conçue, écrite et promulguée par des hommes en fonction de normes de vie communes – n’intéressant pas le divin – qu’ils se seraient donnés pour pouvoir vivre en paix et en sécurité.
La question de savoir si le blasphème relève du crime, du délit, du non-lieu ou du droit est donc un indicateur du rapport institutionnalisé ou non qu’une société politique établit ou au contraire récuse avec le théologique.
Le propre des sociétés laïques et des Etats de droit est justement de neutraliser le théologique et de le sortir du politique : le blasphème ne saurait y être un délit, encore moins un crime ; il est donc a minima permis (puisqu’il n’est pas interdit) : il peut également constituer un droit au sens où il peut y avoir un droit au blasphème, c’est à dire un droit à l’impiété et à l’hérésie.

Pourquoi beaucoup de musulmans, j’entends par là surtout ceux qui pratiquent ou ont le désir de pratiquer un islam paisible, se sentent-ils néanmoins « agressés », « injuriés », « humiliés » par ce qu’on appelle communément les caricatures de Charlie Hebdo, qu’ils jugent blasphématoires ?
Car ce qui est intéressant ici c’est qu’ils se sentent atteints personnellement par ces caricatures qui mettent en scène le Prophète et le Coran en s’en moquant, mais ne les désigne pas et ne les attaque pas en tant que personnes.
Pourquoi, en d’autres termes, se sentent-ils aussi agressés que nous pourrions l’être quand nous avons affaire à une caricature antisémite c’est à dire à une représentation reprenant systématiquement et intentionnellement (ou non) des traits physiques ou moraux attribués par les antisémites aux Juifs ?
Parce que c’est un fait que les caricatures de Charlie Hebdo les choque et les blesse, pour la plupart.
Comment penser, recevoir et répondre à ce « fait têtu » de la réalité ?

Mano Siri

Notre rencontre de travail vers l’interconvictionnel de ce dimanche avec Mano Siri, un compte rendu subjectif

Nous avons été bouleversés par les événements de janvier. L’interconvictionnel et la pédagogie étaient déjà centraux dans notre pensée et dans nos projets, à moi en tant que rabbin, à la communauté dans son histoire, et à un grand nombre de ses membres à titre personnel. Nous sommes aujourd’hui engagés dans une volonté d’ouverture et de développement, de mise en commun de nos forces et de nos savoirs dans ces domaines.

Ce texte est une collection de pensées liées à notre discussion de ce dimanche. Pour accéder au texte préparé par Mano Siri, cliquez ici.

Ce dimanche 25 janvier, nous avons eu notre première session avec Mano Siri à Ganénou. Mano est la mère de trois filles dont la dernière a célébré sa Bat Mitsva cet automne, elle est la Présidente de la Commission Culture de la LICRA et elle est professeure de philosophie dans des classes très concernées par les problématiques actuelles.

Je voulais partager quelques éléments de ce que j’ai retenu et pensé au cours ce cette session, de façon assez subjective, dans le but peut-être de faire le lien avec la session suivante, de permettre à chacun de s’exprimer ou de partager. N’hésitez pas à laisser des commentaires.

Nous étions 20/25 dans la bibliothèque ce dimanche, dans une belle mobilisation suite à la réunion du dimanche précédant. Notre groupe comprenait des parents d’enfants du talmud torah, et aussi des membres de la communauté, d’âges divers, des jeunes.

Mano Siri avait amené quelques exemplaires de son livre, « 100 mots pour se comprendre contre le racisme et l’anti-sémitisme », livre qu’elle a codirigé avec Antoine Spire car le parti-pris de ce livre est d’avoir des auteurs différents.

L’idée est que le dialogue nécessite le fait de pouvoir entendre où se situent nos interlocuteurs. On entend mieux quand on est sûr de sa capacité à répondre dans la sérénité, et la définition des mots est la base de cette confiance et du recadrage du dialogue.

Le mot dont nous sommes partis est le mot ‘blasphème’. Nous en avons repris la définition selon l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, nous avons parlé de l’histoire chrétienne du blasphème. Nous avons ainsi évoqué les sources historique de la laïcité française. J’ai pensé que ces faits étaient intéressants car ils permettent de montrer que le catholicisme a été comme certains islams aujourd’hui en opposition avec la société laïque et a possédé une notion de blasphème en tant que péché. La conciliation a nécessité une adaptation qui est intéressante, qui permet de rapprocher les religions dans leur évolution vers la prise en compte des opinions autres.

Nous avons évoqué les déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la déclaration universelle de droits de l’homme de 48, et la loi de 1972 qui pose l’interdiction de l’insulte antisémite, loi qui va au delà de la pénalisation de l’insulte ad hominem.

Nous avons évoqué également la spécificité française dans son rapport au religieux. C’est également une chose intéressante à expliciter car il est plus facile d’accepter une spécificité française quand elle est nommée, de dire, dans tel pays c’est comme ça, dans tel autre c’est ainsi, et en France la façon dont le droit gère le fait religieux a telles et telles caractéristiques. Cela permet de légitimer à la fois la pratique juridique et constitutionnelle française et les autres conceptions, qui sont aussi légitimes d’un point de vue moral (quand elles sont démocratiques) mais n’ont pas de valeur juridique ici.

Nous avons en particulier souligné la différence avec la constitution américaine qui a précédé la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et qui appuie ses principes de liberté religieuse sur une base protestante, incluant une plus grande liberté d’expression parfois mais aussi une place au religieux dans l’état à travers par exemple le fait qu’on prête serment sur la Bible.

Nous avons rappelé ce fait important qu’en obéissant à la loi française, nous nous obéissons à nous-mêmes.
Pourquoi? « Parce que le fondement de l’Etat de droit dont relève la démocratie (mais aussi en passant une monarchie constitutionnelle comme le Royaume-Uni ou l’Espagne) c’est que tous les hommes sans distinction ne sont soumis qu’à la loi et à rien d’autre (pas à un autre homme en tous les cas) et qu’en tant que membre du souverain ils en détiennent une part inaliénable et qu’ils participent à l’élaboration de cette loi. Donc obéir à la loi de l’Etat comme on dit c’est, dans l’Etat de droit comme obéir à soi-même… » ainsi que notre oratrice le développe.

Nous avons évoqué sans avoir le temps d’en parler ce qui peut être la nature exacte et la cause du malaise de certains musulmans face aux caricatures, nous  nous sommes interrogés sur ce qui nous mettrait mal à l’aise.

Nous avons également dit quelques mots sur la façon dont la tradition juive conçoit la relation avec ‘dieu’ et le fait que notre façon de lire la torah écrite était subordonnée à ce qu’en dit la torah orale.

Le prochain rendez-vous commencera en principe à 11h, car une heure, cela semblait un peu court, et aurait lieu dimanche 8 février. Il faudra voir comment nous y procéderons car il y a déjà pas mal de cours et de conférences prévues ce jour là, les participants seront informés.

Bonnes réflexions à tous, et n’hésitez pas à laisser vos commentaires.

Remonter sur les épaules des géants

Dracha kipour 5775

Plus que 31 ans à tenir.

C’est Ray Kurzweil qui l’a dit.

En 2045, nous serons immortels.

Voilà ce que prétend le trans-humanisme. Il sera possible de transférer les données de notre cerveau. Ce ne sera plus de la science-fiction.

JE pourrai survivre et améliorer mon corps, être une « plus qu’humaine ».

Depuis l’aube des temps, nous luttons pour dépasser nos limitations. Pouvons-nous nous transformer en une humanité « augmentée », améliorée, immortelle ?

Quels seraient les moyens éthiques de le faire ? Lesquels seraient inacceptables ?

C’est une question très difficile pour un juif.

En effet, notre tradition nous enseigne à la fois l’aspiration à l’excellence ET la modération, l’ambition ET la solidarité.

Ainsi,

nous devons agir dans le tikoun olam, la correction du monde,

nous nous considérons (et l’humanité à nos côtés) comme étant dans l’alliance avec dieu, des acteurs de la création,

la circoncision elle-même symbolise l’alliance, c’est-à-dire notre pouvoir sur notre nature, notre devoir de coopération avec notre corps.

Nos actes corporels sont sacrés.

La sexualité ? C’est sacré, à tous les âges, avec ou sans procréation, dans le cadre du travail sur une relation équilibrée avec son propre corps et avec son partenaire.

L’abstinence ? Sacrée aussi, à certains moments, en tant que balancier qui permet au couple équilibriste de ne pas tomber de son fil.

La gourmandise ? C’est sacré, à tel point que nous disons des bénédictions avant de manger.

La faim ? C’est sacré également, aujourd’hui en ce jour de jeune, c’est une bonne chose, une occasion unique de ressentir la faiblesse de nos corps et de comprendre mieux ceux qui l’éprouvent au quotidien.

Le manque nutritionnel est un outil, nous le savons dans nos têtes ce soir, nous le saurons dans nos corps demain soir.

Nos corps nous stabilisent, parfois trop, comme le disent les prophètes, tu as mangé, tu t’es engraissé et tu t’es mis à refuser tes obligations !

Ces gestes quotidiens sont sacrés car ils sont une façon d’agir sur nous-mêmes, sur nos corps, sur notre construction.

Pouvons-nous modifier nos corps ?

Nos corps sont sacrés, oui, parce qu’ils sont à l’image de dieu, porter atteinte à l’intégrité physique de quelqu’un, le frapper, est un blasphème (en plus d’être interdit !). Les tatouages et les piercings sont, disons, déconseillés.

Mais nous avons le droit d’intervenir sur nos corps, nous pouvons être opérés pour protéger notre santé ; plus encore, les téfilines eux-mêmes, lorsqu’ils sont sur nos fronts et sur nos bras, sont le signe volontaire d’une « réalité augmentée » de l’humain, leur empreinte sur nos bras témoigne de notre concentration vis-à-vis de nos valeurs le matin-même, c’est l’affirmation que nous voulons faire entrer en nous autre-chose que ce qui était nous-mêmes.

Et tel est le propre de l’humain, et le miracle de la plastie du cerveau, qui se modifie pour créer des souvenirs, ces souvenirs que nous rouvrons depuis Roch hachana.

Nos vies nous changent, nos fréquentations, nos proches nous changent, le souvenir est une empreinte physiologique, vraiment écrite dans nos corps, ces paroles que je t’ordonne aujourd’hui sont vraiment « gravées dans nos cœurs », comme nous le disons dans le Chéma Israël, c’est-à-dire imprimés dans nos neurones.

Nous nous « augmentons » sans cesse, mais de quelle façon et jusqu’où ?

En tant que juifs, nous ne croyons pas au « satan », aux démonisations. Certaines questions peuvent faire peur mais aucune ne peut être taboue.

Dire que nous sommes responsables de nous faire nous-mêmes, c’est dangereux. Avec quelle limite ? Greffes, implants électronique, transformations génétiques, investissements couteux qui pénalisent les moins fortunés ?

Dire que nous ne sommes pas responsables de nous faire nous-mêmes, c’est dangereux aussi. Nous subissons nos pulsions ? Ce que nous sommes, c’est la faute des autres ? De « dieu » ? De la société ?

Les prophètes ont consacré des pages, des années, et fait des sacrifices personnels incroyables pour s’opposer à chacune de ces deux tendances : l’individualisme en fantasme de puissance, la « soumissionnite » en fantasme d’impuissance.

Ainsi, nous pouvons entendre ce désir d’humanité augmentée, de Ray Kurzweill et y adhérer partiellement certainement,

– puisque tel est l’essence de l’humain, être plus que la nature,

– puisque telle est l’essence du judaïsme, chercher à être un partenaire du Créateur dans la création de nous-mêmes et de notre descendance,

– puisque telle est l’essence du jugement de Yom kipour, nous sommes jugés pour ce que nous avons fait de nous-mêmes.

Nous pouvons adhérer partiellement aux ambitions de Ray Kurzweill mais pas tout à fait à sa façon à lui. Je crois qu’aujourd’hui, Kipour vient nous dire que les transformations, dans la tradition juive, se font en solidarité et en douceur.

Nous avons chacun et chacune commis des fautes, provoqué des dommages à nous-mêmes, que nous devons réparer aujourd’hui.

Mais avons-nous commis des vols, des extorsions, des falsifications, de fausses accusations ? Y a-t-il quelqu’un ici qui soit allé si loin ? Non, n’est-ce pas.

Je ne pense pas avoir rien commis de tel de façon directe, mais la société dans laquelle je vis, certainement. J’ai laissé perdurer un cadre où le vol, la trahison, etc… sont possibles. C’est pourquoi il est justifié de dire le vidoui au pluriel, et de mentionner des fautes que nous ne pensons pas avoir commises. אשמנו בגדנו דברנו דופי.

Le bilan des fautes juif se fait en solidarité.

L’épanouissement parfait selon la tradition juive, viendra quand nous aurons été capables de créer une société sans laissés pour comptes, où chacun et chacune trouvera sa place, et qu’on appelle chez nous, ימות המשיח, les jours du messie.

Et en attendant, nous œuvrons ensemble à créer une synagogue sans laissés pour compte, et toujours plus riche humainement et intellectuellement grâce à la souplesse, à la bienveillance et à l’engagement de tous, merci. Chacun est invité à prendre part à ce grand projet.

Alors, que dire maintenant à propos de Ray Kurzweill, l’informaticien juif transhumaniste ?

Ray Kurzweill est à New york en 1948. Kurt Weill, qui était musicien comme son père, est mort à New-york en 1950.

Kurt Weill suivait aussi d’une certaine façon les traces de son père, qui était Hazan.  Lui qui a composé avec Bertold Brecht avait commencé par écrire un « מה אדיר », chant qui accompagne la rentrée des fiancés lors du mariage juif !

Je dirais alors que j’espère que les générations futures sauront s’appuyer sur le savoir des générations précédentes, comme nous pouvons remonter sur les épaules des géants qu’étaient certains sages du passé, pour voir plus loin.

Evoluer, oui, mais en nous appuyant sur la sagesse du passé.

Dans l’habanéra de Kurt Weill, l’ère messianique se nomme Youkali :

« C’est dans notre nuit comme une éclaircie l’étoile qu’on suit c’est youkali, youkali c’est le respect de tous les vœux échangés, youkali, c’est le pays des beaux amours partagés, c’est l’espérance qui est au cœur de tous les humains, la délivrance, que nous attendons tous pour demain. »

Aujourd’hui, nous entrons dans cette île, toute petite, de yom kipour, cette île de rencontre avec soi-même, de rencontre avec notre avenir, rencontre avec les autres, rencontre avec la communauté.

Nous entrons dans ce sas de décompression pour 25 petites heures, qui nous mettra en relation notre passé et notre avenir ;

Nous n’avons pas besoin de « tenir » 31 ans avant que notre cerveau soit, éventuellement, enregistré dans un ordinateur.

Nous préférons remettre MAINTENANT nos vies sur le métier à tisser et poursuivre ces 4000 ans de quête d’une relation juste à nous-mêmes, à l’autre, et à nos espoirs pour le monde.

Nous espérons nous installer toujours mieux sur les épaules des géants qui nous ont précédés, et que nos enfants puissent continuer, à notre suite, à voir plus loin encore.

Qui sait ce que, demain, et dans un an, à ce même rendez-vous de Kipour, nous verrons du haut des nouvelles montagnes que nous aurons escaladées !

Qui sait ce que nos enfants y verront, s’ils trouvent des épaules confortables sur lesquelles s’installer ?

צום מועיל,

Que ce jeune nous soit profitable.