Paracha Chémot : l’Alliance est-elle féminine ou masculine ?

Nous ouvrons le deuxième livre de la Torah, le livre de l’Éxode, sefer Chémot en hébreu. Chémot (שְׁמוֹת) signifie les noms, les sens, les lignées, les recensements; en particulier les recensements des personnes qui ont contribué, de façon remarquable, à la constitution du peuple Juif.

Le livre de l’Éxode décrit trois grands événements : la sortie d’Égypte des enfants d’Israël, l’Alliance scellée entre Dieu et son peuple et la construction du Sanctuaire.

Sa première paracha, la paracha Chémot, aborde la question de l’esclavage des hébreux, la tyrannie de Pharaon, et l’apparition de Moïse dans des circonstances très singulières.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Chémot du sefer Chémot (Éxode) 1:1 à 6:1 et la puissance des alliances féminines

Les recensements des grandes figures de l’Alliance et de l’histoire d’Israël citent surtout des personnages masculins. Pourtant, de nombreuses femmes ont joué un rôle décisif en ce domaine. La paracha Chémot en fait la démonstration.

Cette paracha nous présente un Pharaon, successeur de celui qui a accueilli Joseph et sa famille avec bienveillance, qui condamne les hébreux aux travaux  forcés puis tente de les détruire, en tant que peuple, par l’élimination des nouveaux-nés mâles, dès leur venue au monde.

Chémot 1:11 à 1:16. Et on imposa à ce peuple des chefs de travail forcé afin de l’accabler de labeur. Il dut bâtir pour Pharaon des villes d’entreposage, Pithom et Ramsès…Mais, plus on opprimait ce peuple, plus il se multipliait…et les Égyptiens éprouvèrent pour lui de l’aversion…Alors, le roi d’Égypte  fit venir les accoucheuses hébreues qui se nommaient, l’une Chifrah, l’autre Pouah…Il leur dit: « Lorsque vous accoucherez les femmes hébreues, vous regarderez le sexe de l’enfant: si c’est un garçon, faites-le mourir, si c’est une fille, laissez-la vivre. »

Ces versets citent deux personnages féminins, les sages-femmes hébreues, dont nous reparlerons.

Une autre figure féminine, qui nous accompagnera tout au long de la Torah, apparaît très vite. C’est Myriam la prophétesse, sœur d’Aaron, qui réussit à convaincre ses parents, Amram et YoHéved, de concevoir un troisième enfant. Il sera nommé  » Moïse « .

Moïse n’est pas tué à sa naissance, malgré les exigences de Pharaon, car les deux sages-femmes hébreues, Chifrah et Pouah, désobéissent à ses ordres.

Chémot 1:17. Mais les sages-femmes craignaient Dieu. Elles ne firent pas ce que leur avait demandé le roi d’Égypte, et laissèrent vivre les enfants hébreux mâles.

Myriam convainct sa mère YoHéved de donner naissance à Moïse, Chifrah et Pouah l’épargnent, elles transmettent le relais à une autre héroïne de la paracha, Batiha (בִּתְיָה), la fille de Pharaon.

Chémot 2:3 à 2:6. [YoHéved] ne pouvant le cacher plus longtemps, lui prépara un berceau de papyrus qu’elle enduisit de bitume et de poix. Elle y plaça l’enfant et le déposa dans les roseaux, sur la rive du fleuve…Sa sœur [Myriam] se posta à distance pour voir ce qu’on ferait de lui…Cependant, la fille de Pharaon [Batiha] descendait pour se baigner dans le Nil, ses servantes la suivant sur la rive. Elle aperçut le berceau parmi les roseaux et envoya une servante le prendre…Elle ouvrit le berceau et y vit l’enfant qui pleurait. Elle eut de la compassion pour lui, tout en disant: « c’est l’un des enfants des hébreux. »

Batiha sauve Moïse des eaux et décide de l’adopter. Elle demande à YoHéved, par l’intermédiaire de Myriam, d’allaiter le petit garçon et de le lui rendre ensuite.

Chémot 2:7 à 2:10. Sa sœur [Myriam] dit à la fille de Pharaon: « faut-il aller trouver une nourrice, parmi les femmes hébreues, qui allaitera cet enfant? »..La fille de Pharaon lui répondit: « Va. » Et la jeune fille alla chercher la mère de l’enfant…La fille de Pharaon dit à celle-ci: « emporte cet enfant et allaite-le moi, je t’en donnerai un salaire. » La femme prit l’enfant et l’allaita…L’enfant devenu grand, elle le rendit à la fille de Pharaon et il devint son fils. Elle lui donna le nom de Moïse en disant: « c’est que je l’ai tiré des eaux. »

Une véritable boucle d’alliances féminines s’est formée, pour donner la vie à Moïse et le prendre en charge. Ainsi, Moïse reçoit à la fois l’éducation juive par sa mère naturelle, YoHéved, et l’éducation égyptienne, qui lui sera précieuse par la suite, par la fille de Pharaon, Batiha.

Quel rôle ont joué les personnages de sexe masculin dans cet événement ? Rien de glorieux au départ. C’est d’abord Pharaon qui fait le mal et veut détruire, puis Amram, le père de Myriam, qui, selon le Talmud Sota (12b) décide de se séparer de YoHéved, peu après l’annonce des décisions de Pharaon. Pire encore : Amram est une personnalité respectée de la communauté Israélite, en conséquence tous les maris choisissent de l’imiter, et se séparent de leurs épouses. L’alliance se rompt alors entre les hommes et les femmes.

L’Alliance est-elle féminine ou masculine ?

Amram se rattrape en acceptant d’écouter sa fille, Myriam. Myriam lui dit qu’en ne voulant plus faire d’enfant, il entre dans le jeu de Pharaon : tous les nouveaux-nés disparaîtront, masculins comme féminins. Myriam le critique aussi, très fortement, en affirmant que le décret de Pharaon n’est encore qu’au stade du risque, un risque très grand, mais seulement un risque pour le moment, alors que sa décision va au-delà des espérances de Pharaon en aboutissant à l’anéantissement du peuple hébreu en Égypte.

La grandeur d’Amram est d’abord d’avoir écouté les reproches de sa fille, puis d’avoir fait preuve d’humilité en reconnaissant ses erreurs de jugement et de comportement. Au point d’aller au devant de YoHéved afin de se faire pardonner en la reprenant pour épouse. Les autres maris hébreux en feront tout autant.  L’alliance entre les hommes et les femmes Israélites est restaurée. Moïse naîtra du renouveau de ces liens dans la continuité.

La paracha Chémot nous a montré la force d’une alliance entre femmes de conditions différentes, de peuples différents et surtout de rangs sociaux différents : une princesse égyptienne, Batiha, a accepté de tendre la main à des esclaves hébreues pour sauver un enfant inconnu d’elle. La sensibilité de ces femmes a bousculé des barrières qui se révèlent être de peu de poids à posteriori.

Cette alliance féminine a permis de rétablir l’alliance hommes-femmes, nécessaire à la vie matérielle comme à la vie spirituelle du peuple.

La mise en oeuvre du concept d’alliance s’exprime dans tous les domaines: il s’agit de considérer tous les êtres humains comme nos alliés. Les discriminations hommes-femmes, riches-pauvres, élites-esclaves, ou les discriminations religieuses n’ont pas de légitimité dans cette approche, car c’est ensemble que nous pouvons « sauver Moïse » et contribuer à construire une société de liberté.

À l’occasion de l’entrée en scène de Myriam la prophétesse, nous vous suggérons de lire un ouvrage intitulé « Les cinq livres de Myriam » (The five books of Myriam). Ellen Frankel y met en scène des personnages féminins traditionnels et leur donne la parole pour exprimer leur compréhension de la Torah.

Feuille d’étude « La bénédiction usurpée » (Rachi, Paracha Toledot)

Notre séance Rachi n°3 n’avait pas donné lieu à un article sur le site.
Pour ceux qui souhaitaient télécharger la feuille d’étude, la voici enfin!
Merci encore pour cette nos études de textes du chabbat matin, toujours plus enrichissantes!
Chavouah tov.
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27 :1 Ses yeux étaient affaiblis Par la fumée des offrandes idolâtres de ces femmes (Midrach tan‘houma 8). Autre explication : Au moment où il avait été lié sur l’autel et où son père était sur le point de l’immoler, au même instant, les cieux s’étaient ouverts et les anges servants avaient vu cela et avaient pleuré. Leurs larmes avaient coulé et étaient tombées dans ses yeux. Voilà pourquoi ses yeux s’étaient affaiblis (Beréchith raba 65, 6). Autre explication : afin que ce soit Ya’aqov qui reçoive les bénédictions (Beréchith raba 65, 8).

27 :2 Je ne connais pas le jour de ma mort Rabi Yehochou‘a ben Qor’ha a enseigné dit : quand un homme approche de l’âge où sont morts ses parents, il doit se faire du souci cinq ans avant et cinq ans après (Beréchith raba 65, 12). Yits‘haq, qui était âgé de cent vingt-trois ans, s’est dit : « Si c’est l’âge de ma mère, qui est morte à cent vingt-sept ans, que je dois atteindre, j’ai cinq ans de moins que celui qu’elle avait à la fin de sa vie ». C’est pourquoi…

… Je ne connais pas le jour de ma mort Peut-être aura-t-elle lieu à l’âge qu’avait ma mère, peut-être à celui qu’avait mon père.

27 :7 Devant Hachem Avec Son assentiment, car Il me donnera son accord.

27 :9 Et prends-moi (littéralement : « prends de ce qui est à moi ») Ils m’appartiennent, et ils ne sont donc pas volés. Yits‘haq avait stipulé dans leur contrat de mariage qu’elle aurait le droit de prendre chaque jour deux chevreaux (Beréchith raba 65, 14).

Deux chevreaux Le repas de Yits‘haq consistait-il en deux chevreaux ? En réalité, l’un était destiné au sacrifice pascal, et l’autre devait servir au repas (Pirqé deRabi Eli‘èzèr 32).

Comme il aime Le goût du chevreau ressemble à celui du cerf.

27 :19 C’est moi, ‘Essaw, ton premier-né C’est moi qui t’apporte, et ‘Essaw est ton premier-né.

J’ai fait Beaucoup de choses… ainsi que tu m’as dit.

Assieds-toi Dans le sens de : « s’asseoir à table ». C’est pourquoi le Targoum traduit par iste‘har (« mets-toi autour de la table »).

27 :21 Approche donc que je te tâte Yits‘haq s’est dit en lui-même : « Il n’est pas dans les habitudes de ‘Essaw d’avoir à la bouche le nom de Dieu ! Or, celui-ci vient de dire : “C’est que Hachem ton Dieu m’a donné bonne chance” » (Beréchith raba 65, 19).

27 :22 C’est la voix de Ya’aqov Qui s’exprime en suppliant : « lève-toi, je te prie ! » (verset 19), alors que ‘Essaw parle durement : « que mon père se lève ! » (verset 31).

27 :24 Il dit : C’est moi Il n’a pas répondu : « c’est moi ‘Essaw ! », mais : « c’est moi ! ».

27 :29 Maudit qui te maudira, et béni qui te bénira Tandis que Bil’am dira : « béni qui te bénira, et maudit qui te maudira ! » (Bamidbar 24, 9). Les justes commencent par endurer des épreuves, et ils finissent par jouir de la paix. Aussi ceux qui les maudissent, à savoir leurs persécuteurs, précèdent-ils ceux qui les bénissent. C’est pourquoi Yits‘haq fait précéder la bénédiction de ceux qui bénissent par la malédiction de ceux qui maudissent. Les impies, bien au contraire, commencent par vivre dans la quiétude, et ils finissent accablés de souffrances. Aussi Bil’am, ce mécréant, place-t-il la bénédiction avant la malédiction (Beréchith raba 66).

וַתִּכְהֶיןָ. בַּעֲשָׁנָן שֶׁל אֵלּוּ (שֶׁהָיוּ מְעַשְׁנּוֹת וּמַקְטִירוֹת לַעֲבוֹדָת זָרָה). דָּבָר אַחֵר כְּשֶׁנֶּעֱקָד עַל גַּבֵּי הַמִּזְבֵּחַ וְהָיָה אָבִיו רוֹצֶה לְשַׁחֲטוֹ בְּאוֹתָהּ שָׁעָה נִפְתְּחוּ הַשָּׁמַיִם וְרָאוּ מַלְאֲכֵי הַשָּׁרֵת וְהָיוּ בּוֹכִים וְיָרְדוּ דִּמְעוֹתֵיהֶם וְנָפְלוּ עַל עֵינָיו לְפִיכָךְ כָּהוּ עֵינָיו. דָּבָר אַחֵר כְּדֵי שֶׁיִּטּוֹל יַעֲקֹב אֶת הַבְּרָכוּת:

לֹא יָדַעְתִּי יוֹם מוֹתִי. אָמַר רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ בֶּן קָרְחָה אִם מַגִּיעַ אָדָם לְפֶרֶק אֲבוֹתָיו יִדְאָג חָמֵשׁ שָׁנִים לִפְנֵיהֶן וְחָמֵשׁ שָׁנִים לְאַחַר כֵּן וְיִצְחָק הָיָה בֶּן קכ »ג (כִּי יַעֲקֹב בֶּן ס »ג כְּשֶׁנִּתְבָּרֵךְ דּוֹק בְּרַשִׁ »י סוֹף הַסֵּדֶר) אָמַר שֶׁמָּא לְפֶרֶק אִמִּי אֲנִי מַגִּיעַ וְהִיא מֵתָה בַּת קכ »ז. וַהֲרֵנִי בֶּן חָמֵשׁ שָׁנִים סָמוּךְ לְפִרְקָהּ לְפִיכָךְ

לֹא יָדַעְתִּי יוֹם מוֹתִי : שֶׁמָּא לְפֶרֶק אִמִּי שֶׁמָּא לְפֶרֶק אַבָּא:

לִפְנֵי ה’. בִּרְשׁוּתוֹ שֶׁיַּסְכִּים עַל יְדֵי:

וְקַח לִי. מִשֶּׁלִּי הֵם וְאֵינָם גָּזֵל שֶׁכָּךְ כָּתַב לָהּ יִצְחָק בִּכְתוּבָּתָהּ לִטּוֹל שְׁנֵי גְּדָיֵי עִזִּים בְּכָל יוֹם:

שְׁנֵי גְּדָיֵי עִזִּים. וְכִי שְׁנֵי גְּדָיֵי עִזִּים הָיָה מַאֲכָלוֹ שֶׁל יִצְחָק אֶלָּא פֶּסַח הָיָה. הָאֶחָד הִקְרִיב לְפִסְחוֹ וְהָאֶחָד עָשָׂה מַטְעַמִּים. בְּפִרְקֵי רַבִּי אֱלִיעֶזֶר:

כַּאֲשֶׁר אָהֵב. כִּי טַעַם הַגְּדִי כְּטַעַם הַצְּבִי:

אָנֹכִי עֵשָׂו בְּכֹרֶךָ. אָנֹכִי הוּא הַמֵּבִיא לְךָ וְעֵשָׂו הוּא בְּכוֹרֶךָ:

עָשִׂיתִי. כַּמָּה דְּבָרִים כַּאֲשֶׁר דִּבַּרְתָּ אֵלָי:

שְׁבָה. לָשׁוֹן מֵיסֶב עַל הַשֻּׁלְחָן לְכָךְ מְתוּרְגָם אִסְתַּחָר:

גְּשָׁה נָא וַאֲמֻשְּׁךָ. אָמַר יִצְחָק בְּלִבּוֹ אֵין דֶּרֶךְ עֵשָׂו לִהְיוֹת שֵׁם שָׁמַיִם שָׁגוּר בְּפִיו וְזֶה אָמַר כִּי הִקְרָה ה’ אֱלֹהֶיךָ:

קוֹל יַעֲקֹב. שֶׁמְּדַבֵּר בְּלָשׁוֹן תַּחֲנוּנִים קוּם נָא אֲבָל עֵשָׂו בְּלָשׁוֹן קַנְטוֹרְיָא דִּבֵּר יָקוּם אָבִי:

וַיֹּאמֶר אֲנִי. לֹא אָמַר אֲנִי עֵשָׂו אֶלָּא אֲנִי:

אֹרֲרֶיךָ אָרוּר וּמְבָרְכֶיךָ בָּרוּךְ. וּבְבִלְעָם הוּא אוֹמֵר מְבָרְכֶיךָ בָּרוּךְ וְאֹרֲרֶיךָ אָרוּר הַצַּדִּיקִים תְּחִלָּתָם יִסּוּרִים וְסוֹפָן שַׁלְוָה וְאוֹרְרֵיהֶם וּמְצַעֲרֵיהֶם קוֹדְמִים לִמְבָרְכֵיהֶם לְפִיכָךְ יִצְחָק הִקְדִּים קִלְלַת אוֹרְרִים לְבִרְכַת מְבָרְכִים וְהָרְשָׁעִים תְּחִלָּתָן שַׁלְוָה וְסוֹפָן יִסּוּרִין לְפִיכָךְ בִּלְעָם הִקְדִּים בְּרָכָה לִקְלָלָה:

Paracha VayéHi : comment dépasser la mort ?

Tout a un début puis une fin, et tout se renouvelle. Le livre de la Genèse (Béréchit, בְּרֵאשִׁית, au commencement) s’achève avec la paracha VayéHi. Débute ensuite le livre de l’Éxode (Chémot, שְׁמוֹת, les noms) dans la continuité de la Torah.

Comme nous l’avons vu, la Genèse comporte trois parties : la création de l’univers, incluant l’humanité, avec ce qui en résulte, puis l’histoire des Patriarches et des Matriarches et enfin, le récit de la vie de Joseph. Par ailleurs, la Genèse nous révèle l’origine des Israélites en tant qu’individus et familles, alors que l’Éxode décrit plutôt la création d’un peuple, le peuple d’Israël.

A la fin de la Genèse, les hébreux (les Israélites de l’époque) se trouvent, dans leur majorité, en Égypte, rassemblés autour de Joseph et de Jacob; Jacob dont la vie s’achève.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha VayéHi du sefer Béréchit (Genèse) 47:28 à 50:26 et le dépassement de la mort de Jacob

Le sefer Béréchit s’achève avec la paracha VayéHi qui débute par : « Et Jacob vécut… » (וַיְחִי יַעֲקֹב). Cette Paracha nous parle de la vie et de la mort. La mort est liée à la vie. Elle n’est pas véritablement une disparition, au sens propre du terme. Elle est donc dépassée.

Citons un midrach du Talmud Taanit (5b) : deux Rabbins discutent de façon conviviale, en prenant ensemble leur repas. Rabbi NaHman demande à Rabbi Yitzak de lui raconter une histoire intéressante. Rabbi Yitzak répond :  » Je ne vais rien te raconter maintenant, parce que Rabbi NaHman a dit qu’il n’est pas prudent de parler en mangeant, car en parlant on risque de s’étouffer. » Rabbi NaHman acquiesce. À la fin du repas Rabbi Yitzak reprend la conversation et, en guise d’histoire, cite une parole de Rabbi YoHanan :  » Jacob, notre père, n’est pas mort ». Rabbi NaHman répond :  » Qu’est-ce-cela signifie ? Te moques-tu de moi ? Jacob est bien mort ! Il a eu son éloge funèbre, puis a été embaumé et inhumé. » Rabbi Yitzak dit alors :  » Je ne nie pas cela. Je parle d’un verset du livre de Jérémie qui dit : n’aie pas peur, mon fils Jacob, car aujourd’hui je te délivre et aujourd’hui tes enfants reviennent. »

Commentons cette phrase du livre de Jérémie. Jacob est Israël. Il est délivré et revit du fait de la délivrance et du retour de ses enfants, les enfants d’Israël. Cela signifie que Jacob, d’une certaine façon, est encore vivant maintenant. Il vit encore, de par ses enfants d’aujourd’hui, les membres du peuple Juif.

Nous en déduisons que nous tous vivons à travers nos enfants, de notre vivant comme après notre mort. Nos enfants et nos descendants, biologiques ou affectifs, sont porteurs à l’infini d’une partie de nous-même, partie de nous-même pas forcément tangible. Ce principe s’apparente à la notion de pérennité du Judaïsme par la transmission, de génération en génération.

Jacob, avant de s’éteindre, souhaite bénir ses enfants et petits enfants. Il bénit tout particulièrement Joseph par l’intermédiaire de ses deux fils, Manassé et Éphraïm. Jacob décide ainsi de placer les deux enfants de Joseph, nés avant son arrivée en Égypte, au rang d’enfants d’Israël, comme ses autres enfants :

Béréchit 48:5. « Et maintenant, tes deux fils qui te sont nés au pays d’Égypte avant que je vienne auprès de toi en Égypte, deviennent miens. Tout autant que Ruben et Siméon, Éphraïm et Manassé sont miens. »

Béréchit 48:20. Il les bénit alors et dit: « Israël te nommera dans ses bénédictions, en disant: que Dieu te fasse devenir comme Éphraïm et Manassé! » Il plaça ainsi Éphraïm avant Manassé.

Depuis des siècles nous continuons à nous appeler « les enfants d’Israël » ( Béné Israël – בְּנֵי יִשְׂרָאֵל), ou encore « les enfants de Jacob ». Notre vie est ainsi un prolongement de la vie de Jacob.

La transmission du Judaïsme est en relation étroite avec la bénédiction des enfants par leurs parents. Le vendredi soir, quand nous pratiquons la bénédiction des garçons nous apposons nos mains sur leurs têtes, et nous prononçons ces paroles : « que l’Éternel te mette au même niveau que Éphraïm et Manassé ». Ce qui signifie que nous mettons directement nos fils en relation avec Jacob, sans nous préoccuper de la longueur du temps passé. En ce qui concerne nos filles, nous les bénissons de la même façon, en disant : « que l’Éternel te mette au même niveau que Sarah, Rébecca, Léa et Rachel. »

La braHa (bénédiction) des enfants, renouvelée en permanence, est à l’image d’une source intarissable de sagesse recueillie puis transmise sans cesse. Cette notion de temps sans limite nous fait penser au verset 7:9 du Deutéronome : « Tu sais bien que l’Éternel, ton Dieu, est le vrai Dieu, fidèle au pacte d’alliance et bienveillant envers ceux qui l’aiment et qui accomplissent ses commandements, jusqu’à la millième génération. »

La paracha VayéHi cite également la mort de Joseph.

Béréchit 50:24 à 50:26. Joseph dit à ses frères: « Je vais mourir. Sachez que l’Éternel se tournera vers vous. Il vous fera quitter ce pays pour celui qu’il a promis par serment à Abraham, Isaac et Jacob »…Alors Joseph fit jurer les fils d’Israël pour leur dire: « Oui, l’Éternel se tournera vers vous, alors vous devrez faire remonter d’ici mes ossements. » Joseph mourut âgé de cent dix ans. Il fut embaumé puis fut déposé dans un cercueil en Égypte.

Joseph fait une requête à transmettre de génération en génération. Il  demande aux futurs Béné Israël d’emporter ses ossements avec eux quand ils quitteront l’Égypte pour gagner la terre de Canaan. Joseph pressent que l’avenir s’ouvrira aux enfants d’Israël, après une longue période de tourment.

Le transfert des ossements de Joseph, comme ceux de Jacob, a pour but de préserver le lien physique entre les générations fondatrices du monothéisme hébreu, et les générations qui tentent de vivre paisiblement dans leur terre promise, le pays de Canaan, qui deviendra après le retour de 2000 ans d’exil, l’État d’Israël.

La transmission se poursuit. Ainsi que l’énonçait Rabbi ItsHak avec provocation, Jacob, notre ancêtre, n’est pas mort. A nous de continuer son enseignement, de d’être digne d’ « Israël ».

Rachi ce samedi: Oseriez-vous parler pour votre frère?

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Se soutenir, et ne pas sombrer!

Se soutenir, c’est aussi savoir prendre des risques. Juda-Yéhouda ose se lever et s’opposer au Roi d’Egypte, pour défendre la Justice, la Vérité et la Fraternité, et pour sauver son demi-frère, Benjamin. Il rejoint ainsi le club des courageux leaders de notre tradition: ceux qui sont capables de prendre des risques pour défier les autorités au nom du droit. En notre époque difficile, savons-nous comme nos ancêtres triompher de la peur pour défendre la justice? Ce thème rejoint l’actualité politique autant que, bien souvent, notre actualité personnelle.

Nous verrons comment la Torah et Rachi analysent le discours de Juda et le retour à la fraternité.

Feuille d’étude disponible au téléchargement sur le lien suivant: rachi-5777-4-vayigach

44 :18 Une parole aux oreilles de mon seigneur Puissent mes paroles pénétrer dans tes oreilles (Beréchith raba 93, 6).

Et que ta colère ne s’enflamme pas D’où l’on peut déduire qu’il lui a parlé durement.

Car tu es comme Pharaon Je te considère comme le roi. Tel est le sens simple. Explication du midrach : Tu finiras par être frappé par la lèpre pour avoir détenu Binyamin, tout comme Pharaon en a été frappé à cause de mon aïeule Sara, qu’il n’avait détenue que pendant une seule nuit (supra 12, 17). Autre explication : Pharaon décide et ne respecte pas ses propres décisions, il promet et ne tient pas parole. Il en est de même pour toi ! Est-ce cela le « regard » que tu voulais poser lorsque tu nous a dit : « que je pose “mon regard” sur lui » (verset 21) ? Autre explication : « Tu es comme Pharaon » – si tu me pousses à bout, je te tuerai ainsi que ton maître.

44 :19 Mon seigneur a interrogé Tu nous as abordés en employant d’emblée des ruses. Fallait-il que tu nous poses toutes ces questions ? Est-ce que nous t’avions demandé la main de ta fille ? Ou bien voulais-tu celle de notre sœur ? Malgré cela nous t’avons répondu sans rien te cacher (Beréchith raba 93, 8).

44 :31 Lorsqu’il verra que le jeune homme n’est pas là, il mourra Son père, de chagrin.

44 :32 Car ton serviteur a répondu du jeune homme Et si tu me demandes pourquoi je m’engage dans ce combat avec plus d’ardeur que mes autres frères, c’est qu’ils sont, eux, hors de cause. Tandis que moi, je suis lié par un lien puissant qui fait peser sur moi la menace d’être banni des deux mondes.

Que ton serviteur reste Pour toutes choses, je vaux plus que lui, par la force, pour la guerre, et pour le servage.

45 : 1 Et Yossef ne put se contenir, devant tous ceux qui se tenaient près de lui Il ne pouvait accepter que les Egyptiens se tiennent là et qu’ils assistent à l’humiliation de ses frères au moment où il s’en ferait reconnaître.

45 :3  Car ils étaient bouleversés De honte.

45 :4  Approchez donc de moi Comme il les voyait en train de reculer, il s’est dit : Mes frères sont maintenant remplis de confusion ! Aussi leur a-t-il parlé avec douceur, sur un ton suppliant, et il leur a montré qu’il était circoncis (Beréchith raba 93, 8).

45 :5  Car c’est pour la subsistance Pour assurer votre subsistance.

45 :12 Vos yeux voient La gloire à laquelle j’ai accédé (voir verset suivant). Vous voyez aussi que je suis votre frère, puisque j’ai été circoncis comme vous. Vous voyez aussi « que c’est bien ma bouche qui vous parle », puisque je m’exprime en langue sainte.

Et les yeux mon frère Binyamin Après les avoir mentionnés séparément, il les met tous sur le même plan d’égalité, comme pour dire : « De même qu’il n’y a pas en moi de haine contre Binyamin, puisqu’il n’a pas participé à ma vente, de même n’en ai-je pas dans mon cœur contre vous » (Meguila 16b).

45 :14  Il tomba au cou [tsaweré – littéralement : « les cous »] de Binyamin son frère, il pleura Sur les deux sanctuaires qui se trouveront sur le territoire de Binyamin, et qui seront détruits l’un et l’autre (Meguila 16b).

Et Binyamin pleura à son cou Sur le sanctuaire de Chilo qui se trouvera sur le territoire de Yossef, et qui sera détruit.

46 :15 Et après cela Ayant vu qu’il pleurait et que son cœur était sincèrement avec eux,

ses frères parlèrent avec lui Car au début ils étaient remplis de honte devant lui.

וַיִּגַּשׁ אֵלָיו. דִּבֵר בְּאָזְנֵי אֲדֹנִי. יִכָּנְסוּ דְּבָרַי בְּאָזְנֶיךָ:

וְאַל יִחַר אַפְּךָ. מִכָּאן אַתָּה לָמֵד שֶׁדִּבֵּר אֵלָיו קָשׁוֹת:

כִּי כָמוֹךָ כְּפַרְעֹה. חָשׁוּב אַתָּה בְּעֵינַי כְּמֶלֶךְ זֶהוּ פְּשׁוּטוֹ. וּמִדְרָשׁוֹ סוֹפְךָ לִלְקוֹת עָלָיו בְּצָרַעַת כְּמוֹ שֶׁלָּקָה פַּרְעֹה עַל יְדֵי זְקֵנָתִי שָׂרָה עַל לַיְלָה אַחַת שֶׁעִכְּבָהּ. דָּ »א מַה פַּרְעֹה גּוֹזֵר וְאֵינוֹ מְקַיֵּם מַבְטִיחַ וְאֵינוֹ עוֹשֶׂה אַף אַתָּה כֵּן. וְכִי זוֹ הִיא שִׂימַת עַיִן שֶׁאָמַרְתָּ לָשׂוּם עֵינְךָ עָלָיו. דָּ »א כִּי כָּמוֹךָ כְּפַרְעֹה אִם תַּקְנִיטֵנִי אֶהֱרוֹג אוֹתְךָ וְאֶת אֲדוֹנֶךָ:

אֲדֹנִי שָׁאַל אֶת עֲבָדָיו. מִתְּחִלָּה בַּעֲלִילָה בָּאתָ עָלֵינוּ לָמָּה הָיָה לְךָ לִשְׁאוֹל כָּל אֵלֶּה בִּתְּךָ הָיִינוּ מְבַקְּשִׁים אוֹ אֲחוֹתֵנוּ אַתָּה מְבַקֵּשׁ וְאַף עַל פִּי כֵּן וַנֹּאמֶר אֶל אֲדוֹנִי לֹא כִחַדְנוּ מִמְּךָ דָּבָר:

וְהָיָה כִרְאוֹתוֹ כִּי אֵין הַנַּעַר וָמֵת. אָבִיו מִצָּרָתוֹ:

כִּי עַבְדְּךָ עָרַב אֶת הַנַּעַר. וְאִם תֹּאמַר לָמָּה אֲנִי נִכְנָס לְתִגָּר יוֹתֵר מִשְּׁאָר אֶחָי הֵם כֻּלָּם מִבַּחוּץ וַאֲנִי נִתְקַשַּׁרְתִּי בְּקֶשֶׁר חָזָק לִהְיוֹת מְנוּדֶה בִּשְׁנֵי עוֹלָמוֹת:

יֵשֶׁב נָא עַבְדְּךָ וְגוֹ’. לְכָל דָּבָר אֲנִי מְעוּלֶה מִמֶּנּוּ לִגְבוּרָה וְלַמִּלְחָמָה וּלְשַׁמֵּשׁ:

וְלֹא יָכֹל יוֹסֵף לְהִתְאַפֵּק לְכָל הַנִּצָּבִים. לֹא הָיָה יָכוֹל לִסְבּוֹל שֶׁיִּהְיוּ מִצְרַיִם נִצָּבִים עָלָיו וְשׁוֹמְעִין שֶׁאֶחָיו מִתְבַּיְּשִׁין בְּהִוָּדְעוֹ לָהֶם:

נִבְהֲלוּ מִפָּנָיו. מִפְּנֵי הַבּוּשָׁה:

גְּשׁוּ נָא אֵלָי. רָאָה אוֹתָם נְסוֹגִים לְאָחוֹר אָמַר עַכְשָׁיו אֲחַי נִכְלָמִים קָרָא לָהֶם בְּלָשׁוֹן רַכָּה וְתַחֲנוּנִים וְהֶרְאָה לָהֶם שֶׁהוּא מָהוּל:

לְמִחְיָה. לִהְיוֹת לָכֶם לְמִחְיָה:

וְהִנֵּה עֵינֵיכֶם רֹאוֹת. בִּכְבוֹדִי וְשֶׁאֲנִי אֲחִיכֶם שֶׁאֲנִי מָהוּל כָּכֶם. וְעוֹד כִּי פִי הַמְּדַבֵּר אֲלֵיכֶם בְּלָשׁוֹן הַקֹּדֶשׁ:

וְעֵינֵי אָחִי בִנְיָמִין. הִשְׁוָה אֶת כֻּלָּם יַחַד לוֹמָר שֶׁכְּשֵׁם שֶׁאֵין לִי שִׂנְאָה עַל בִּנְיָמִין אָחִי שֶׁהֲרֵי לֹא הָיָה בִּמְכִירָתִי כָּךְ אֵין בְּלִבִּי שִׂנְאָה עֲלֵיכֶם:

וַיִּפֹּל עַל צַוָּארֵי בִנְיָמִן אָחִיו וַיֵּבְךְּ. עַל שְׁנֵי מִקְדָּשׁוֹת שֶׁעֲתִידִין לִהְיוֹת בְּחֶלְקוֹ שֶׁל בִּנְיָמִין וְסוֹפָן לְהֵחָרֵב:

וּבִנְיָמִין בָּכָה עַל צַוָּארָיו. עַל מִשְׁכַּן שִׁילֹה שֶׁעָתִיד לִהְיוֹת בְּחֶלְקוֹ שֶׁל יוֹסֵף וְסוֹפוֹ לְהֵחָרֵב (וְלַעֲנִיּוּת דַּעְתִּי דִּיּוּקוֹ שֶׁל רַשִׁ »י דִּבְיוֹסֵף כְּתִיב וַיִּפּוֹל וַיֵּבְךְּ תַּרְתֵּי מַשְׁמָע אַשְּׁנֵי מִקְדָּשׁוֹת וּלְכָךְ עָשָׂה שְׁתֵּי פְּעֻלּוֹת עַל זֶה הָרֶמֶז. מַה שֶּׁאֵין כֵּן בִּנְיָמִין דְּלֹא כְּתִיב רַק וּבִנְיָמִין בָּכָה פְּעֻלָּה אַחַת שֶׁלֹּא רָמַז רַק עַל חֻרְבָּן אֶחָד. וְעַיֵּן בְּבֵאוּר תּ »י שֶׁשָּׁם הוּא בְּדֶרֶךְ דְּרָשׁ):

וְאַחֲרֵי כֵן. מֵאַחַר שֶׁרָאוּהוּ בּוֹכֶה וְלִבּוֹ שָׁלֵם עִמָּהֶם:

דִּבְּרוּ אֶחָיו אִתּוֹ. שֶׁמִּתְּחִלָּה הָיוּ בּוֹשִׁים מִמֶּנּוּ:

Paracha Vayigach : Une nouvelle fraternité et une bonne nouvelle année!

Nous pourrions disserter longuement sur les failles de la puissance. Contentons-nous d’évoquer les failles de Joseph, fils de Jacob.

Comme relaté dans la paracha précédente, Joseph est élevé au rang de « vice-roi » d’Égypte, alors que sa famille le croit disparu à jamais. Il est devenu un homme puissant; mais il reste porteur de blessures morales d’enfance dont il est pleinement conscient.

Il semble certain que Joseph ne sera en paix avec lui-même, qu’au jour de la cicatrisation de ses plaies d’enfance. Recréer la fraternité est l’objectif majeur qu’il s’est donné, pour y parvenir.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Vayigach du sefer Béréchit (Genèse) 44:18 à 47:27 et la fraternité recréée

Joseph a pu se relever de toutes les épreuves que la vie lui a imposé, et pour cette raison il a été capable de devenir le bras droit de Pharaon. L’épreuve qui l’a marqué le plus est d’avoir été vendu comme esclave par ses propres frères. La fraternité s’est brisée à ce moment là. La renaissance de cette fraternité détruite est devenue une obsession pour Joseph, qui voudrait, plus que tout, revoir sa famille réunie autour de lui.

Un verset de la paracha Vayéchev est significatif :

Béréchit 37:16. Alors, il dit: « Ce sont mes frères que je cherche »…

La famine, en terre de Canaan, oblige les frères de Joseph, excepté Benjamin, à descendre en Égypte pour se ravitailler. À cette occasion, ils se présentent devant Joseph qui les reconnaît sans se faire reconnaître d’eux. Joseph exerce alors sur eux une pression douloureuse, dont l’objectif est de les mettre à l’épreuve de la fraternité.

Joseph imagine un scénario qui lui permettra de tester ses frères; ses frères, qui par une abjecte jalousie ont tenté de le faire disparaître. Joseph veut vérifier que ses frères, au fil des années, ont changé et sont devenus dignes d’être aimés, dignes de la fraternité qu’il souhaite reconstruire.

Dans ce test, c’est la sensibilité fraternelle des frères de Joseph qui devra faire ses preuves. Le plus jeune, et le plus vulnérable d’entre eux, en sera le personnage-clé. Ce jeune frère est Benjamin, le dernier-né de Rachel, son frère de père et de mère, celui pour qui il éprouve une grande tendresse.

Nous devons citer plusieurs versets de la paracha Mikets pour exposer le scénario :

Béréchit 42:8 à 42:9. Joseph reconnut ses frères, mais eux ne le reconnurent pas…Joseph se souvint alors des rêves qu’il avait eus à leur sujet. Il leur dit: « Vous êtes des espions! C’est pour découvrir les points faibles du pays que vous êtes venus! »

Béréchit 42:19 à 42:29. Si vous êtes de bonne foi, qu’un seul d’entre vous [Siméon] soit détenu dans votre prison, tandis que vous irez apporter à vos familles de quoi calmer leur faim…Puis amenez moi votre plus jeune frère [Benjamin]. Alors vos paroles seront jugées dignes de foi et vous ne mourrez pas. » Ils acquiescèrent……Ils chargèrent leurs céréales sur leurs ânes et partirent……Arrivés chez Jacob leur père, au pays de Canaan, ils lui contèrent toute leur aventure…

Dans un premier temps, Ruben tente sans succès de convaincre Jacob de leur confier Benjamin. Juda prend le relais et trouve les bons arguments pour faire céder son père.

Béréchit 43:11 à 43:13. Jacob, leur père, leur dit: « Puisqu’il en est ainsi, faites ceci: mettez dans vos bagages les meilleures produits du pays et apportez les en hommage à cet homme [Joseph]…… Munissez vous d’une double somme d’argent et l’argent qui a été mis à l’entrée de vos sacs, restituez le de vos mains……Prenez votre frère [Benjamin]. Levez-vous et retournez vers cet homme. »

Joseph garde Siméon en otage avant de libérer les autres frères accusés d’espionnage. Les frères se rappellent alors à quel point ils ont maltraité Joseph dans le passé. Ils se retrouvent dans une situation comparable et sont pris de remords. Après avoir obtenu l’accord de Jacob, ils redescendent en Égypte avec Benjamin.

Joseph, heureux d’avoir revu son petit frère Benjamin, monte un stratagème pour le garder avec lui : l’arrestation de Benjamin pour un vol qu’il n’a pas commis.

Béréchit 44:12. L’intendant fouilla, commençant par le plus âgé, finissant par le plus jeune. La coupe fut trouvée dans le sac de Benjamin.

Nous sommes maintenant dans la paracha Vayigach.

Juda intervient alors pour convaincre Joseph de libérer Benjamin. Il lui explique que Jacob mourra de chagrin si Benjamin disparaît.

Béréchit 44:30 à 44:34. Et maintenant, en retournant chez ton serviteur, mon père, si nous ne sommes pas accompagnés du jeune homme, sa vie étant attachée à la sienne,…ne voyant point paraître le jeune homme, il mourra. Tes serviteurs auront fait descendre les cheveux blancs de ton serviteur, notre père, de chagrin au Shéol…Car ton serviteur a répondu de cet enfant à son père, en disant: ‘Si je ne te le ramène, je serai coupable à jamais envers mon père’…Donc, de grâce, que ton serviteur, à la place du jeune homme, reste esclave de mon seigneur et que le jeune homme reparte avec ses frères…Car comment retournerais-je près de mon père sans ramener son enfant? Pourrais-je voir la douleur qui accablera mon père? »

Après avoir entendu cela, Joseph est sûr que ses frères ont réellement changé, avec le temps, mais aussi sous sa pression et celle de Jacob. Il craque et en pleurs leur révèle sa véritable identité, tout en demandant des nouvelles de Jacob.

Béréchit 45:1 à 45:4. Joseph ne put se dominer……Il éleva la voix en pleurant……et il dit à ses frères: « Je suis Joseph; mon père vit-il encore? » Mais ses frères ne purent lui répondre, car ils étaient frappés de stupeur…Joseph dit alors à ses frères: « Approchez-vous de moi, je vous prie. » Et ils s’approchèrent. Il reprit: « Je suis Joseph, votre frère que vous avez vendu pour l’Égypte. »

La fraternité et l’amour de la famille ont étés les plus forts.

Les frères de Joseph ne sont plus les mêmes. Ce changement, dans le sens du bien, face à des situations analogues, peut être considéré comme une démarche de Téchouva (תשובה). Selon Maïmonide, ce type d’évolution personnelle correspond à l’essence même de la Téchouva.

La famille de Jacob, finalement réunie en Égypte

Ensuite, Joseph demande à ses frères de vite retourner en terre de Canaan et de revenir au plus tôt en Égypte, avec leur père, Jacob, et tout le reste de la famille.

Béréchit 45:9 à 45:10. « Remontez vite vers mon père et dites lui ce qui va suivre. Voici ce qu’a dit ton fils Joseph: Dieu m’a fait le seigneur de toute l’Égypte. Viens auprès de moi, ne tarde pas…Tu habiteras la terre de Gessen [en Égypte] et tu seras tout près de moi, toi, tes enfants, tes petits-enfants, ton petit bétail, ton gros bétail et tout ce qui t’appartient. »

La fraternité a finalement pu renaître, ce n’est pas simplement le « passage du temps » qui a soigné les plaies, mais un travail relationnel et personnel considérable. Le Joseph et les frères qui se retrouvent ne sont pas ceux du passé. Une nouvelle réalité familiale est née.

Bonne année 2017 à toutes et à tous!

Paracha Mikets : comment façonner la réalité ?

Semer des graines d’où germeront les événements futurs, est une façon d’essayer de façonner la réalité. Il nous vient à l’esprit un autre type de tentative, d’ordre scientifique, pour y parvenir.

Des recherches portent actuellement sur une question complexe : nos pensées, focalisées de façon intense sur un objectif très précis, ont un impact sur des événements en relation avec cet objectif. Lynne McTaggart (1951 -), journaliste scientifique américaine, a publié récemment un ouvrage sur ce sujet. Il est intitulé « La science de l’intention. » Cet ouvrage a pour but, données scientifiques à l’appui, de répondre par l’affirmative à cette hypothèse.

En lisant la paracha Mikets, nous sommes en admiration. Un prisonnier hébreu, Joseph, a réussi à façonner la réalité. Il a acquis le pouvoir de maîtriser l’économie de toute une nation, l’Égypte. Comment Joseph a-t-il pu y parvenir ?

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Mikets du sefer Béréchit (Genèse) 41:1 à 44:17 et la gloire de Joseph

Au tout début de la paracha, Joseph est en prison en Égypte, depuis deux ans; mais il a semé les graines d’événements à venir.

En prison, Joseph a rencontré le Grand Échanson de Pharaon. Joseph a même interprété le rêve du grand échanson, et plaidé sa cause auprès de lui, puisqu’il est emprisonnée sur la base d’une erreur judiciaire. Il lui a demandé de ne pas l’oublier au moment de sa libération. Dans un premier temps, il semblerait que le Grand Échanson ait effacé Joseph de sa mémoire, et Joseph continue à croupir en prison.

Cependant, se produit un événement qui va tout changer.

Béréchit 41:1. Il advint, au bout de deux années, que Pharaon eut un rêve. Il se trouvait debout au bord du Nil.

Après deux années de stagnation, Joseph va être libéré. Rapidement, il parviendra au summum du pouvoir, ce qui lui permettra de gérer la réalité qu’il a anticipée et en partie façonnée. C’est à nouveau un rêve qui change le cours des choses, il s’agit cette fois du rêve de Pharaon. Comme déjà évoqué avec le Traité BraHot, le rêve suivra son interprétation.

Joseph, qui a interprété avec justesse les rêves du Grand Échanson et du Maître Panetier, est appelé auprès de Pharaon pour interpréter son rêve. Le Grand Échanson, qui a fini par se souvenir de lui, le considère comme le seul interprète crédible et suggère à Pharaon de le consulter.

Béréchit 41:9 à 41:14. Alors, le Grand Échanson parla avec Pharaon en ces termes: « Je rappelle, en cette occasion, mes fautes…Un jour, Pharaon était irrité contre ses serviteurs et il nous fit enfermer dans la prison du chef des gardes, moi et le Maître Panetier…Nous eûmes un rêve la même nuit, lui et moi, avant d’avoir l’interprétation de nos rêve…Était avec nous un jeune Hébreu, esclave du chef des gardes. Nous lui racontâmes nos rêves et il les interpréta…Et il advint ce qu’il avait interprété. Moi, je fus rétabli dans mon poste et le Maître Panetier fut pendu »…Alors, Pharaon envoya chercher Joseph qu’on fit sur le champ sortir du cachot. Joseph se rasa, changea de vêtements puis parut devant Pharaon.

Par son interprétation du rêve de Pharaon, Joseph dépeint 14 années d’avenir de l’Égypte. Il prédit à Pharaon 7 années d’abondance pour l’Égypte, suivies par 7 années de misère et de famine.

Béréchit 41:25 à 41:28. Joseph dit à Pharaon: « Le rêve de Pharaon ne fait qu’un: ce que Dieu prépare, il l’annonce à Pharaon…Les sept belles vaches, sont sept années et les sept beaux épis, sept années aussi. C’est un même songe…Et les sept vaches maigres et laides qui sont sorties ensuite, sont sept années, de même que les sept épis vides, desséchés par le vent d’est. Ce seront sept années de famine…C’est ce que j’ai dit à Pharaon. Ce que Dieu a prévu de faire a été révélé à Pharaon. »

Joseph fait ensuite la proposition suivante à Pharaon : qu’il soit fait en sorte, pendant les 7 années d’abondance, que soit prélevé et stocké le cinquième des ressources alimentaires du pays. Ce stock de ressources devra être redistribué, dans tout le pays, pendant les 7 années de famine.

Joseph aurait-il, non seulement la capacité d’anticiper l’avenir, mais aussi la capacité de le modéliser ? Il propose des solutions concrètes à la résolution de problèmes qui se poseront dans le futur. Joseph ne serait-il pas en train de façonner la réalité ?

La proposition de Joseph à Pharaon nous fait penser à la « prophétie d’auto-réalisation ».

Cette notion d’auto-réalisation est importante. Donnons-en un exemple : En « prophétisant » la pénurie de carburant, on peut induire un sentiment d’inquiétude auprès des automobilistes. Ces derniers, alertés et inquiets vont vite faire le plein de leurs de réservoirs. D’habitude, lorsque les automobilistes sont confiants, il font le plein lorsque le réservoir est presque vide. Compte tenu de leur inquiétude, ils font le plein beaucoup plus tôt. La quantité d’essence demandée est alors bien supérieure à celle qui est habituellement nécessaire. De ce fait, la pénurie de carburant s’accroît fortement et s’auto-entretien au gré des approvisionneurs. La prophétie initiale s’est donc réalisée, bien qu’elle n’ait pas été particulièrement justifiée par la situation réelle.)

L’auto-réalisation, ne s’applique pas seulement aux questions économiques. Claude Steiner (1935 -), psychothérapeute adepte de l’Analyse Transactionelle, nous le rappelle avec le conte des Chaudoudoux (à voir sur le lien suivant, cliquez ici ). Le thème de ce conte est le partage généreux de ressources émotionnelles et les conséquences liées à l’idée de pénurie de ces ressources.

Revenons à Joseph. La proposition qu’il a faite à Pharaon va dans le sens de sa prise en main de l’économie Égyptienne. Pharaon, convaincu du bien-fondé de cette proposition, décide de prendre Joseph à ses côtés pour gouverner l’Égypte :

Béréchit 41:39 à 41:42…Puis Pharaon dit à Joseph: « Puisque Dieu t’a révélé tout cela, nul ne peut être aussi sage et avisé que toi…C’est toi qui sera le chef de ma maison; tout mon peuple sera gouverné par ta parole et je n’aurai sur toi que la prééminence du trône »… Pharaon dit encore à Joseph: « Vois! je te mets à la tête de tout le pays d’Égypte »…Et Pharaon ôta sa bague de sa main et la passa à celle de Joseph. Il le fit habiller de vêtements en fin lin et mit un collier d’or à son cou.  

(Le rapprochement est à faire avec la Méguila d’Esther, quand Mardochée reçoit les pleins pouvoirs de la part du souverain de l’empire Perse, Assuérus.)

Joseph aux prises avec ses blessures d’enfance

C’est la gloire pour Joseph, cependant ses blessures d’enfance n’ont pas cicatrisé. L’objectif de sa fulgurante ascension en Égypte est, consciemment ou inconsciemment, de réunir toute sa famille, en particulier ses frères, auprès de lui. Mais ce n’est plus comme avant, en terre de Canaan, quand il n’avait que 17 ans. Maintenant, c’est en position de force, en position de « vice-roi » d’une nation puissante, capable de nourrir son peuple et tous les pays alentour, qu’il les recevra.

Justement, la famine règne en terre de Canaan et, à la demande de Jacob, les frères de Joseph, excepté Benjamin, descendent en Égypte pour se procurer de la nourriture. Joseph les reçoit sans se faire reconnaître d’eux. Lui, il les reconnaît très bien. Il exerce une terrible pression sur eux pour les dominer et mettre à l’épreuve leur sens de la fraternité. Il va jusqu’à les maltraiter verbalement, retenir Siméon et exiger que Benjamin, l’autre fils de Rachel, sa propre mère, lui soit livré en échange de sa clémence.

Mais à ce stade rien n’est réglé. Joseph n’est pas maître du dénouement. Les frères de Joseph vont-ils revenir avec Benjamin ?

Il en sera ainsi. La réalité façonnée par Joseph est conforme à ses vœux. Cependant, Joseph n’a pas encore révélé sa véritable identité. Le rassemblement des 12 fils d’Israël aura-t-il vraiment lieu ? La prochaine paracha nous donnera la réponse.

Paracha Vayéchev : pourquoi sacrifier Joseph ?

Joseph est le onzième fils de Jacob et le premier-né de Rachel.

Joseph est né à Haran, ville araméenne, où s’était retiré son père, Jacob. Après avoir passé son adolescence en terre de Canaan avec sa famille, il s’est retrouvé exilé en Égypte, malgré lui, et jusqu’à la fin de ses jours. En Égypte, Joseph a connu la prison et les plus grands honneurs auprès de Pharaon.

Joseph est un personnage important de la Torah. Il relie l’époque d’Abraham et de sa proche descendance, à l’époque ultérieure de la libération des hébreux, conduite par Moïse.

La paracha Vayéchev nous conte les mésaventures de Joseph. Elle nous conduit aussi à nous interroger sur la valeur de la vie humaine et sur la prise de risque individuelle.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Vayéchev du sefer Béréchit (Genèse) 37:1 à 40:23 et le « sacrifice » de Joseph

Nous tenons beaucoup à la vie, certes; mais jusqu’à quel point, et à quel prix ? Le Talmud Yoma, dont le principal objet est la pratique de Yom Kipour, aborde ce sujet qui est repris spécifiquement par l’expression rabbinique « PikouaH néfech » (פיקוח נפש) signifiant « Surveillance, protection de la vie humaine ».

La règle de « PikouaH néfech » indique que la préservation de la vie humaine l’emporte sur pratiquement toute les autres considérations religieuses.

Font exceptions, les trois interdictions suivantes : l’idolâtrie flagrante, l’inceste et l’adultère et le meurtre d’une personne qui ne menace pas notre vie.

Savoir, ou simplement supposer, que notre vie a un sens, est nécessaire à notre plaisir de vivre et à notre équilibre. Nous tenons instinctivement à la vie, et il nous est difficile de savoir réellement en quelles circonstances nous serions prêts à la mettre en jeu, à nous sacrifier.

Cette question est au cœur de la paracha Vayéchev. En la lisant nous avons le sentiment que, d’une certaine façon, Israël (Jacob) a sacrifié Joseph, ou bien que Joseph s’est lui-même sacrifié. Dans le parcours de vie de Joseph, rien n’est simple.

Commençons par commenter le verset suivant de la Genèse :

Béréchit 37:3. Or Israël [Jacob] aimait Joseph davantage que tous ses autres enfants, car il était le fils de sa vieillesse; et il lui avait fait faire une longue chemise [tunique] à rayures.

Israël aime particulièrement Joseph. Il aime bien-sûr ses autres enfants, mais pas de la même façon. Israël souhaite différencier Joseph de ses autres enfants, et pour le distinguer matériellement il lui fait porter une tunique à bandes de couleurs différentes.

Pourquoi cette préférence ? Il est peut-être commun parmi les parents de préférer l’un ou l’autre enfant, ou en tout cas de reconnaitre leur diversité et les qualités particulières de l’un ou de l’autre. On peut également penser que la préférence de Jacob s’explique du fait de la préférence qu’il a justement pour Rachel, la mère de Josèphe, qu’il a profondément aimée.

Mais nous devons voir plus loin. Israël a eu de nombreux enfants de quatre femmes différentes. Certains commentateurs pensent que la tunique bariolée de Joseph est l’image d’un rassemblement d’identités multiples. Joseph serait donc l’enfant le plus apte à faire l’unité auprès de lui, à rassembler tous les enfants d’Israël (Jacob) au-delà de leur diversité.

Ce n’est pas ce qui va se passer dans un premier temps. Le fait de distinguer Joseph, le sépare des autres enfants et provoque leur jalousie. En le distinguant, Israël met Joseph en situation de risque. C’est pour cela qu’on peut se demander s’il le « sacrifie » sciemment.

(Cet épisode de la Torah nous fait bien prendre conscience que quiconque proteste, lève la tête, se révolte individuellement pour défendre une cause, prend des risques personnels importants. Se démarquer de la « masse » est parfois dangereux.)

Une alliance s’est constituée entre Israël et Joseph dans la recherche de l’unité et de la paix. Israël « sacrifie » Joseph en le chargeant d’établir l’unité de sa descendance. Israël sait que Joseph devra affronter la haine terrible qui s’est installée envers lui, et Joseph est tout à fait conscient de ce défi.

Béréchit 37:4. Quand ses frères virent que leur père l’aimait de préférence à eux, ils le prirent en haine et ne purent se résoudre à lui parler dans la paix.

Israël et Joseph sont en situation de prise de risque conjointe dans le dialogue suivant :

Béréchit 37:13 à 37:14. Par la suite Israël dit à Joseph: « Tes frères font paître les troupeaux près de Sichem, n’est-ce pas? Viens, je veux t’envoyer vers eux. » Joseph répondit: « Je suis prêt »… Israël reprit: « Va voir, je te prie, comment se portent tes frères, comment se porte le bétail et rapporte m’en des nouvelles. » Ainsi, il l’envoya de la plaine d’Hébron et Joseph se rendit à Sichem.

De façon concise, voici ce qui se passe ensuite : courageusement Joseph part à la recherche de ses frères. Il rejoint ses frères qui le dépouillent aussitôt de sa tunique bariolée, puis le jettent dans un puits vide. L’un des frères propose de vendre Joseph à une caravane d’Ismaëlites qui s’approche. Mais des marchands Midianites, qui passent par là, tirent Joseph du puits et le vendent aux Ismaëlites qui décident d’emmener Joseph avec eux en Égypte. Par la suite, les Midianites reprendront Joseph et le vendront comme esclave à Potiphar, officier de Pharaon.

Cet événement a été l’objet d’un commentaire de Rachi. Selon Rachi, le mot « passim » -פַּסִּים- de l’expression « kétonet passim » -כְּתֹנֶת פַּסִּים- (tunique bariolée) est porteur de sens. Il présage des dangers auxquels Joseph est exposé : pé de passim (Potiphar dont l’épouse mettra Joseph en grand danger), sameH de soHarim (les marchands), youd de Yichmaélim (les Ismaëlites), mèm de Midianites.

Après coup, les frères de Joseph trempent la tunique bariolée (celle qui devait symboliser l’unité) dans le sang d’un bouc et la font porter à leur père, Israël.

La suite dans les versets suivants :

Béréchit 37:33 à 37:36. Il la reconnut et s’écria: « La tunique de mon fils! Une bête féroce l’a dévoré! Joseph a sûrement été mis en pièces! »…Et Jacob [Israël] déchira ses vêtements, mit un cilice sur ses reins et porta longtemps le deuil de son fils…Tous ses fils et toutes ses filles se mirent en devoir de le consoler, mais il refusa toute consolation et dit: « Non! Je rejoindrai, en pleurant, mon fils au Shéol! » Et Jacob [Israël] continua de le pleurer…Quant aux Midianites, ils vendirent Joseph en Égypte à Potiphar, officier de Pharaon, chef des gardes.

Le chagrin et l’espoir d’Israël (Jacob)

Le chagrin et la douleur se sont emparés d’Israël après la disparition de Joseph; mais l’espoir est toujours là, malgré les apparences.

Selon Rachi, le grand-père Isaac a la quasi certitude que Joseph est toujours en vie. Il semblerait qu’Israël ne soit pas véritablement en deuil, mais plutôt en situation de doute quant à la mort de son fils. On peut penser que ses troubles s’apaisent légèrement et il se crée une communication par la pensée entre lui et Joseph, une continuité de leur alliance, en remplacement du contact direct.

Jacob savait le risque qu’il prenait en envoyant Joseph vers ses frères, il n’a pas vu la dépouille de Joseph, l’attitude de ses fils doit sans doute d’une façon ou d’une autre refléter leur sentiment de culpabilité. Ces fait, en plus de sa capacité prophétique, donnent certainement à Jacob des indications à propos du sort de Joseph et de l’avenir de sa descendance.

Israël se sent encore relié à Joseph par la finalité de leur alliance. En dépit des événements, il garde en lui l’espoir de la paix et de l’unité autour de Joseph, dans un nouveau cadre. Unité indispensable à l’existence de ce qui deviendra son peuple, le peuple Juif.

Jacob et Joseph n’ont sacrifié personne. Ils ont pris un risque calculé. Peut-être, qui sait, l’unité des frères pourra avoir lieu dans l’avenir.

Dans la vie, les moments d’incertitudes ne sont pas faciles à vivre. Il est important néanmoins de mettre toutes les chances de son côté, quitte à prendre des risques. Jacob et Joseph nous en donnent l’exemple.

Paracha VayichlaH : quelle est la recette de la paix ?

Il y a plus de vingt ans, sur les conseils pressants de sa mère Rébecca, Jacob quittait Béer-shéva pour rejoindre la ville de Haran où résidait son oncle Laban.

Jacob a pris pour épouses Léa et Rachel, les filles de Laban. Il est père de nombreux enfants dont les mères sont Léa et Rachel, ainsi que leurs servantes, Zilpa et Bilha.

La situation devient conflictuelle, alors Jacob décide de retourner dans sa famille d’origine, en terre de Canaan. Se pose la grave question de la rencontre avec son frère Ésaü, qui a songé à le tuer peu avant son départ. Les retrouvailles seront-elles violentes ou pacifiques? Malgré tout, Jacob prend le chemin du retour avec femmes et enfants.

La paracha VayichlaH nous décrit les moments forts de la rencontre entre Jacob et Ésaü et nous montre de quelle façon Jacob est devenu Israël.

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha VayichlaH du sefer Béréchit (Genèse) 32:4 à 36:43 et la confrontation à haut risque

Difficile de vivre avec un poids sur la conscience. En particulier, quand on est convaincu de devoir régler de douloureux problèmes du passé.

Jacob est face à cette question quand il décide de revenir en terre de Canaan, prêt à affronter les risques liés à cet acte. Jacob est angoissé à l’idée de se retrouver face à Ésaü. Le moment tant redouté  va bientôt arriver.

La tactique de Jacob est de procéder par étapes successives, dans le but de garder la maîtrise des événements. La première étape est l’envoi de messagers (« malaHim ») en reconnaissance, là où se trouve Ésaü.

Béréchit 32:4. Jacob envoya des messagers [malaHim] en avant, vers Ésaü son frère, au pays de Séir, dans la campagne d’Édom.

Les « malaHim » (מַלְאָכִים), les messagers de Jacob, sont des hommes envoyés en éclaireurs ? Le mot désigne parfois également des messagers divins, des « anges ». Telle est d’ailleurs l’opinion de Rachi. L’ambiguïté du terme « malaHim » est intéressante car d’une certaine façons, les messagers humains que nous sommes transmettent également des enseignements moraux et spirituels.

Les « malaHim » rapportent à Jacob qu’Ésaü a pris les devants. Il est en route, à la rencontre de Jacob, fortement accompagné.

Béréchit 32:7. Les messagers revinrent près de Jacob, en disant: « Nous sommes arrivés vers ton frère Ésaü. Lui aussi vient à ta rencontre, et avec lui, quatre cents hommes. »

À cette information, Jacob est saisi de frayeur et prend une initiative qui est détaillée dans les versets suivants :

Béréchit 32:8 à 32:9. Alors, Jacob eut grand-peur et fut plein d’anxiété. Il divisa en deux camps ses gens, le petit bétail, les bovins et les chameaux…Se disant: « Si Ésaü attaque l’un des camps et le met en pièces, le camp restant deviendra une ressource. »

Cette division de la famille, des personnes qui l’accompagne, et des biens, peut être interprétée comme une limitation des risques. Mais elle revêt une apparence fébrile, non réfléchie et trop fataliste. Jacob est-il vraiment certain qu’Ésaü et ses hommes le mettront en pièces, lui et ses proches ?

(Ce partage en deux nous fait penser au terme « yaHats », de la Hagada de PessaH, qui désigne le moment de la brisure de la matza en deux morceaux, lors du Seder.)

Seconde étape : Jacob fait appel à ses forces morales. Il se tourne vers l’Éternel et prie en évoquant l’Alliance :

Béréchit 32:10. Puis Jacob dit « O Dieu de mon père Abraham et Dieu d’Isaac mon père! Éternel, toi qui m’as dit: ‘Retourne à ton pays et dans ta parenté et je te comblerai.’ »

Troisième étape :  les cadeaux de Jacob à Ésaü – suivons le cours des versets de la Torah.

Béréchit 32:14. Il établit là son gîte pour cette nuit et il choisit, dans ce qui se trouvait en sa possession, un don pour Ésaü son frère.

Jacob vient d’avoir l’idée d’approcher son frère par la paix en lui offrant des présents (du gros et du petit bétail). Ces présents apaiseront-ils suffisamment Ésaü ? La façon de les offrir a peut-être plus d’importance que la valeur matérielle. Jacob en a conscience. Il décide de faire parvenir immédiatement ses cadeaux à Ésaü d’une façon subtilement élaborée :

Béréchit 32:17 à 32:21. Puis il remit à chacun de ses serviteurs une part du troupeau et il leur dit: « marchez en avant et laissez un intervalle entre votre part du troupeau et la suivante. »…Il donna au premier l’ordre suivant: « lorsqu’Ésaü, mon frère, te rencontrera et te demandera: ‘à qui es-tu? où vas tu? et à qui est le bétail qui te précède?’…Tu répondras: ‘à Jacob ton serviteur, et ceci est un don envoyé par lui à mon seigneur Ésaü; et Jacob lui même nous suit.’ »…Il ordonna de même au second, de même au troisième, de même à tous ceux qui conduisaient les troupeaux, en disant: « c’est ainsi que vous parlerez à Ésaü quand vous le rencontrerez…Et vous direz: ‘voici que lui-même, ton serviteur Jacob, nous suit car il s’est dit: « je veux l’apaiser par le présent qui me devance, ensuite je verrai son visage, peut être sera-t-il bienveillant pour moi. »

La tactique de Jacob est d’envoyer les présents par vagues successives, de façon à impressionner favorablement Ésaü et le rendre de plus en plus confiant en sa volonté de paix. En même temps, Jacob prend des dispositions pour s’isoler :

Béréchit 32:22 à 32:24. Le présent défila devant lui et lui, demeura cette nuit là dans le camp…Plus tard, dans la nuit, il se leva et prit ses deux femmes, ses deux servantes et ses onze enfants et traversa le gué du Yaboc…Puis il les aida à traverser cette rivière et fit aussi traverser ce qui était à lui.

Quatrième étape : Jacob se retrouve seul, et un événement étrange se produit.

Béréchit 32:25 à 32:29. Jacob resta seul et un homme se mit à lutter avec lui jusqu’à l’aube…Voyant qu’il ne pouvait le vaincre, il lui pressa la cavité de la cuisse, et la cuisse de Jacob se démit…Il dit: « laisse moi partir, car l’aube est venue. » Jacob répondit: « je ne te laisserai pas partir avant que tu ne m’aies béni »…Il lui dit alors: « quel est ton nom? » Il répondit: « Jacob »…Alors il dit: « Jacob ne sera plus désormais ton nom, mais Israël, car tu as lutté avec Dieu et avec les hommes et tu as vaincu. »

Ce passage énigmatique de la Torah nous interpelle. Contre qui Jacob a-t-il lutté, un ange, une représentation de son frère Ésaü, certains aspects de sa propre personnalité ou Dieu sous une apparence humaine ? La logique voudrait que l’on privilégie l’hypothèse d’un ange, messager de Dieu.

Jacob devient Israël, « celui qui a combattu avec Dieu et qui a vaincu. » Le terme « Israël » est aussi à rapprocher du terme « Yachar-el » signifiant « qui est droit avec Dieu ».

Les étapes franchies par Jacob sont-elles les étapes de la paix intérieure ?

Au-delà des étapes qu’il a dû franchir, Jacob s’est retrouvé transformé et en paix avec lui-même. L’étape fondamentale est certainement celle du travail intérieur que Jacob a été contraint d’opérer.

Revenons sur la lutte entre Jacob et « un homme ». La relation d’Alliance avec Dieu n’inclut-elle-pas une part de lutte avec nous-même et avec notre environnement ? Lutte au-delà de laquelle nous trouvons en général la paix. Par ailleurs, la lutte entre Jacob et « un homme » n’a-t-elle pas aussi inspiré nos relations avec autrui, quand la plupart des confrontations se concluent par un rapprochement, un accord pacifique ?

Ceci est à étendre à la prise en charge de nos difficultés personnelles du passé, celles qui ont encore prise sur nous, pour mieux les analyser, les résorber et ne plus les craindre.

David, le faible qui est fort

L’histoire de David: approche pédagogique du courage et de la persévérance – Bible et Pédagogie 3, c’est déjà dimanche prochain, à Nation/Ganénou. Pour les parents et tous ceux qui aiment la pédagogie.

Qu’est-ce que la victoire ? Et de quoi dépend-elle ? Qu’est-ce qui fait que nous triompherons de nos difficultés ? Est-ce notre force physique ? Est-ce notre intelligence ? Est-ce notre capacité à nous soutenir ? Notre force morale ? Notre capacité de remise en question ? Les histoires de Hanouka nous parlent du triomphe du premier humain sur sa peur de la nature, du triomphe des Maccabées contre l’oppression grecque, le triomphe de la continuité identitaire contre l’assimilation la victoire de Judith contre Holopherne, la réussite de l’espoir contre le renoncement, la victoire de la lumière de la petite fiole sur les ténèbres, le succès de la souplesse et de l’imagination sur la crispation.

Et pour nous, qu’est-ce que la victoire et quels sont nos atouts ? Qu’apprenons-nous de l’histoire de David et Goliath ? Que signifient les péripéties de l’histoire sur le plan symbolique ?

Avec les histoires de Hanouka, nous partagerons avec nos enfants nos pensées et sentiments sur notre façon de faire face aux difficultés de la vie.

(Attention, le texte suivant est repris de la traduction en français par le rabbinat. Le texte biblique ne doit pas être statique et les traductions ont tendance à appauvrir. Nous vous invitons à participer à l’étude juive dans le respect de sa nature : en face à face, en Hévrouta, avec la compagnie d’un maître.  Merci.)

Pour étudier avec nous à Ganénou-Nation ce dimanche de 10h (accueil à 9h30) à 11h15, contactez Raffaella ou répondez à cet article en commentaire.

Mes yeux regarderons mes ennemis quand les méchants se lèveront contre moi mon oreille entendra : le juste fleurira comme le palmier, il s’élance comme le cèdre du liban – Tsadik katamar ifraH kéérez balevanon isgué

וַתַּבֵּט עֵינִי בְּשׁוּרָי בַּקָּמִים עָלַי מְרֵעִים תִּשְׁמַעְנָה אָזְנָי. יג צַדִּיק כַּתָּמָר יִפְרָח כְּאֶרֶז בַּלְּבָנוֹן יִשְׂגֶּה (Ps 92)

A propos des miracles et de la délivrance et du courage et des sauvetages et des merveilles et des consolations et des guerres que tu as fait pour nos ancêtres en ces jours en ce temps, quand s’est dressée le royaume des grecs ces méchants contre ton peuple Israël pour leur faire oublier ton enseignement et leur faire quitter ta volonté et toi dans ta grande bienveillance tu t’es dressé pour eux au temps de leur souffrance et tu as livré les forts et mauvais aux mains des faibles, les nombreux aux mains des peu nombreux, les mauvais aux mains des justes, les prétentieux aux mains de ceux qui s’occupent de ta Torah et tu t’es fait un nom grand et spécial dans ton monde…. (Prière de Hanouka/ Amida et Birkat hamazon)

1 Or, les Philistins réunirent leurs armées pour une expédition, se donnèrent rendez-vous à Sokho, ville de Juda, et se campèrent entre Sokho et Azêka, à Efès-Dammim. 2 De son côté, Saül réunit les Israélites, qui se campèrent dans la vallée du Térébinthe, et se rangèrent en bataille vis-à-vis des Philistins. 3 Les Philistins occupaient la montagne d’un côté, les Israélites l’occupaient du côté opposé, la vallée les séparant. 4 Alors un géant sortit des rangs des Philistins, un homme de Gath, nommé Goliath: sa taille était de six coudées et un empan. 5 Il avait sur la tête un casque d’airain et était vêtu d’une cotte de mailles, du poids de cinq mille sicles; 6 il avait des jambières d’airain aux jambes, et un javelot d’airain sur l’épaule; 7 le bois de sa lance ressemblait à une ensouple de tisserand, et elle se terminait par un fer du poids de six cents sicles. Le porteur du bouclier marchait devant lui. 8 S’avançant donc, il cria ces paroles aux lignes d’Israël: « Pourquoi vous disposer à livrer bataille? Ne suis-je pas, moi, le Philistin, et vous les sujets de Saül? Désignez l’un d’entre vous pour qu’il s’avance vers moi. 9 Si, en combattant avec moi, il l’emporte et me tue, nous deviendrons vos sujets; mais si c’est moi qui triomphe et le tue, vous serez nos sujets et nous obéirez. 10 Oui, ajouta le Philistin, je défie en ce jour les rangs des Israélites: donnez-moi un homme, que nous nous battions ensemble! » 11 Saül et tout Israël, en entendant ces paroles du Philistin, furent consternés et eurent grand peur. 12 Or, David était fils de cet Ephratéen, de Bethléem-en-Juda, qui se nommait Jessé et avait huit fils; à l’époque de Saül, c’était un vieillard, comptant parmi les hommes d’âge. 13 Les trois fils aînés de Jessé étaient partis pour suivre Saül dans cette campagne; ces trois hommes partis pour la guerre se nommaient, l’aîné Elïab, son puîné Abinadab, et le troisième Chamma. 14 David était le plus jeune, et les trois aînés seuls avaient suivi Saül. 15 Pour David, il allait et venait, quittant Saül pour garder les brebis de son père à Bethléem. 16 Le Philistin donc s’avançait chaque matin et chaque soir, et se présenta ainsi pendant quarante jours. 17 Cependant Jessé dit à David, son fils: « Prends, je te prie, pour tes frères cet êpha de blé grillé et ces dix pains, et porte-les vite au camp à tes frères. 18 Ces dix fromages, tu les porteras au chef de la division; tu t’informeras du bien-être de tes frères et te muniras d’un gage de leur part. » 19 (Saül, avec eux, ainsi que tous les hommes d’Israël étaient dans la vallée du Térébinthe, rangés en bataille contre les Philistins.) 20 Le lendemain, de bon matin, David laissa le troupeau aux soins d’un gardien, et partit avec sa charge selon la recommandation de Jessé. Il atteignit l’enceinte du camp, comme l’armée débouchait sur le champ de bataille et poussait le cri de guerre. 21 Israélites et Philistins s’alignèrent, ligne contre ligne. 22 David remit les objets qu’il portait aux mains du gardien des bagages, courut vers les rangs et alla s’informer de la santé de ses frères. 23 Tandis qu’il s’entretenait avec eux, voici venir le géant, Goliath le Philistin, de Gath, sortant des rangs des Philistins et tenant le même discours; David l’entendit. 24 Tous les Israélites, en voyant cet homme, lâchèrent pied devant lui, fort effrayés. 25 Et les hommes d’Israël se disaient: « Avez-vous vu cet homme qui s’avance? C’est pour défier Israël qu’il se met en avant. Eh bien! Celui qui le vaincra, le roi le comblera de richesses, lui donnera sa fille, et exemptera la famille de son père de toute charge en Israël. » 26 David, s’adressant à ceux qui étaient près de lui, demanda: « Que fera-t-on à l’homme qui aura vaincu ce Philistin et délivré Israël de l’ignominie? Qu’est donc ce Philistin, cet incirconcis, pour insulter les légions du Dieu vivant! » 27 Le peuple lui répéta la même chose, ajoutant: « Telle sera la récompense de l’homme qui l’aura vaincu. » 28 Elïab, son frère aîné, l’entendant parler à ces hommes, se mit en colère contre David et dit: « Pourquoi es-tu descendu ici, et à qui as-tu confié ces quelques brebis dans le désert? Je connais ton caractère volontaire et vicieux, car c’est pour voir la guerre que tu es venu! 29 Eh! Qu’ai-je donc fait, répondit David? C’était une simple parole. » 30 Le quittant alors, il s’adressa à un autre, à qui il tint le même discours; les gens lui firent la même réponse que précédemment. 31 Les propos de David ayant été propagés, on les répéta devant Saül, qui le fit venir. 32 David dit à Saül: « Que personne ne perde courage à cause de lui! Ton serviteur ira et se battra avec ce Philistin. » 33 Mais Saül dit à David: « Tu ne peux aller te battre avec ce Philistin, car tu n’es qu’un enfant, et lui est un homme de guerre depuis sa jeunesse. » 34 David répondit à Saül: « Ton serviteur faisait paître les brebis de son père; quand survenait le lion ou l’ours et qu’il emportait une bête du troupeau, 35 je le poursuivais, je le terrassais, et la lui arrachais de la gueule; alors il se jetait sur moi, mais je le saisissais par la mâchoire et le frappais à mort. 36 Puisque ton serviteur a eu raison et du lion et de l’ours, cet impur Philistin aura le même sort, lui qui a défié les légions du Dieu vivant. » 37 Et David ajouta: « L’Eternel, qui m’a protégé contre le lion et l’ours, me protégera aussi contre ce Philistin… » Et Saül dit à David: « Va, et que l’Eternel soit avec toi! » 38 Saül revêtit David de son propre costume, lui mit sur la tête un casque d’airain, lui fit endosser une cuirasse; 39 David ceignit l’épée par-dessus ses vêtements et essaya de marcher, n’en ayant pas l’habitude. Alors il dit à Saül: « Je ne puis marcher avec cette armure, car je n’y suis pas accoutumé »; et il s’en débarrassa. 40 Il prit son bâton à la main, choisit dans le torrent cinq cailloux lisses, qu’il mit dans sa panetière de berger, et, muni de sa fronde, s’avança vers le Philistin. 41 Celui-ci s’approcha lentement de David, précédé de l’homme qui portait son bouclier. 42 Le Philistin, considérant David, le regarda avec dédain, parce qu’il était jeune, vermeil et de bonne mine. 43 Et il dit à David: « Suis-je un chien, que tu t’avances contre moi avec des bâtons? » Et il maudissait David en invoquant son dieu. 44 Et le Philistin dit à David: « Viens ici que je donne ta chair aux oiseaux du ciel et aux animaux des champs! » 45 David répondit au Philistin: « Tu viens à moi avec l’épée, la lance et le javelot; et moi je viens au nom de l’Eternel-Cebaot, du Dieu des légions d’Israël que tu insultes. 46 En ce jour, l’Eternel te mettra en mon pouvoir, je t’abattrai et je te couperai la tête et je livrerai les cadavres de l’armée des Philistins, aujourd’hui même, aux oiseaux du ciel et aux animaux des champs, afin que toute la terre sache qu’il y a un Dieu pour Israël! 47 Et toute cette multitude saura que l’Eternel n’a pas besoin d’épée ni de lance pour donner la victoire, car l’Eternel est le maître de la guerre, et il vous livrera en notre pouvoir! » 48 Voyant alors le Philistin se mettre en mouvement et s’avancer à sa rencontre, David s’élança, traversa rapidement le champ de bataille dans la direction du Philistin, 49 mit la main dans sa panetière, en tira une pierre, qu’il lança avec la fronde, et atteignit le Philistin au front; la pierre s’y enfonça et il tomba la face contre terre. 50 Ainsi David vainquit le Philistin avec une fronde et une pierre, et le frappa à mort, sans avoir une épée à la main; 51 puis il fondit sur le Philistin, lui prit son épée qu’il tira du fourreau, et le tua en lui tranchant la tête. Les Philistins, voyant que leur champion était mort, prirent la fuite. 52 Les hommes d’Israël et de Juda se levèrent en poussant le cri de guerre et poursuivirent les Philistins jusqu’aux abords de Gaï et jusqu’aux portes d’Ekron; les cadavres des Philistins jonchèrent la route de Chaaraïm, jusqu’à Gath et jusqu’à Ekron. 53 Au retour de cette poursuite des Philistins, les enfants d’Israël allèrent piller leurs camps. 54 Pour David, il prit la tête du Philistin et la porta à Jérusalem, et ses armes, il les déposa dans sa tente. 55 Or, en voyant David s’avancer au-devant du Philistin, Saül avait dit à Abner, commandant de l’armée: « De qui ce jeune homme est-il fils, Abner? » Et Abner avait répondu: « Par ta vie, ô roi! Je l’ignore. » 56 « Informe-toi, dit le roi, de qui ce garçon est fils… » 57 Et lorsque David revint après avoir tué le Philistin, Abner vint le prendre et le présenta à Saül, tenant à la main la tête du Philistin. 58 Saül lui demanda alors: « De qui es-tu fils, jeune homme? De ton serviteur Jessé le Bethléémite, » répondit David.

(texte tiré de http://sefarim.fr/)

Texte à télécharger en cliquant sur le lien suivant: pedagogie 5777 -3 David Judah Judith

Paracha Vayétsé : comment trouver un sens à sa vie ?

Comment trouver un sens à sa vie ? Cette question est probablement inhérente à l’être humain.

L’expression « sens de la vie » désigne l’interrogation sur l’origine, la nature et la finalité de l’existence. Le troisième point en est l’élément majeur. De nombreux courants intellectuels, philosophiques, religieux, et même scientifiques, se sont emparés du sujet pour le traiter chacun à leur manière.

Le professeur Jean Grondin (1955-), spécialiste du domaine de la pensée, en parle comme du socle de la philosophie.

Jacob, fils d’Isaac, s’est posé cette question dans une situation critique d’isolement moral, spirituel et physique. La paracha Vayétsé aborde sa quête de sens par la parabole de « l’échelle de Jacob ».

Pour approfondir ce thème, une petite vidéo et un article qui la commente, sur la paracha de la semaine !

La paracha Vayétsé du sefer Béréchit (Genèse) 28:10 à 32:3 et l’échelle de Jacob

Dans son milieu familier, Jacob est un homme simple, se contentant de peu, ayant une vision idéaliste du monde et prenant plaisir à rester paisiblement proche des siens. Les relations avec son frère Ésaü sont conflictuelles. À un moment donné, Ésaü prend la décision de le tuer. Alerté par sa mère, Rébecca, et suivant ses vifs conseils, Jacob décide de quitter le foyer.

De la sorte, Jacob voit son univers familier s’écrouler. Il doit partir vivre loin. Sa mère, Rébecca, ne sera plus là pour le protéger. Le sens de sa vie est totalement bouleversé. Jacob quitte Béer-Shéva pour Haran. Il marche et se retrouve dans le désert. Le soir venu, il s’arrête pour dormir à même le sol.

Béréchit 28:10 à 28:11. Jacob sortit de Béer-Shéva et alla vers Haran…Par la suite, il arriva dans un endroit où il se posa pour passer la nuit car le soleil s’était couché. Il prit une des pierres de l’endroit, la mit en support de sa tête, et se coucha en ce lieu.

[A noter, dans le texte hébreu, une succession de lettres « vav » (ו) signifiant « et » en français. Ce qui traduit un enchaînement hâtif d’actions. Vayétsé (וַיֵּצֵא) = il sortit, vayéleH (וַיֵּלֶךְ) = il alla, vayalen (וַיָּלֶן) = il se posa, vayikaH (וַיִּקַּח) = il prit…etc.]

Donc Jacob fait une pause, s’allonge, s’endort et rêve :

Béréchit 28:12 à 28:13. Alors il fit ce rêve: une échelle se trouvait placée sur la terre, son sommet atteignait les cieux, et des anges, messagers de Dieu, montaient et descendaient le long de cette échelle…Et voici que l’Éternel apparut au-dessus d’elle et dit: « Je suis l’Éternel, le Dieu d’Abraham ton père et d’Isaac; cette terre sur laquelle tu es couché, je vais te la donner à toi et à ta postérité. »

Cette échelle ancrée en terre et allant jusqu’aux cieux est l’image de notre capacité à nous élever, étape après étape. En d’autres termes, elle est l’image de la progression de notre conscience, du plus bas au plus haut et du plus près au plus loin.

« L’échelle de Jacob » représente un développement et une montée spirituelle par échelons. Ainsi, une prière s’élève de la terre vers le ciel, sachant que le but à atteindre est Dieu qui se tient au-dessus de l’échelle.

La pause nocturne de Jacob dans son parcours, est considéré comme l’événement fondateur de la prière du soir, la prière d’Arvit.

Par ailleurs, cette échelle inspire le fond et la forme des offices. Prenons l’exemple de celui du matin. Ce sont d’abord les bénédictions, actes de reconnaissance les plus concrets, puis les pesouké dé-zimra (versets du chant) qui sont une reprise de contact avec le monde extérieur, puis le Chema Israël qui nous rappelle notre rôle dans le monde, et ensuite la Amida, la prière la plus proche des cieux, par laquelle le sens de notre vie est abordé.

Le jour venu, Jacob se réveille en ayant encore son rêve en tête. Il est alors saisi de stupeur, d’effroi, et prend conscience de l’objet de son rêve et de la sacralité du lieu. Il demande la protection divine et demande à Dieu de s’inscrire dans l’alliance. Jacob apprivoise une nouvelle façon de donner un sens à sa vie, qui continuera d’évoluer lors des prochaines étapes.

Béréchit 28: 16 à 28: 17. Jacob se réveilla et s’écria: « en vérité, l’Éternel est en ce lieu et moi je l’ignorais »…Et, saisi de crainte, il ajouta: « Que ce lieu est redoutable! Ce n’est rien d’autre que la maison de Dieu et c’est ici la porte des cieux. »

Cela nous fait penser à l’une des bénédictions du matin.  Nous louons l’Éternel car : « il réveille ceux qui sont somnolents ».

Le rêve de Jacob est révélateur de l’importance de l’interprétation des événements, quelquefois mineurs comme de simples rêves, sur le sens de notre vie. Citons le Talmud BraHot, p.45. Rabbi Ben Aha déclare qu’il a fait un rêve et qu’il a consulté 24 interprétes de rêves à Jérusalem. D’après le Talmud, ces derniers lui ont donné 24 interprétations différentes de son rêve qui se sont toutes réalisées. Rabbi Ben Aha en a tiré cette formule proverbiale : « tous les rêves suivent la bouche », c’est à dire qu’ils suivent l’interprétation qu’on leur donne.

Faire une longue pause pour réfléchir au sens de notre vie

L’exemple de Jacob est-il à suivre totalement ? Devons-nous nécessairement changer le cadre de notre existence pour nous interroger sur le sens de notre vie, pour le faire évoluer, ou tout simplement pour le découvrir ? Ce n’est pas certain.

Retenons d’abord que Jacob a découvert le véritable sens de sa vie en interrompant ses activités, en faisant une longue pause. La démarche de Jacob a été involontaire. Elle a abouti au travers d’un rêve nocturne, mais elle a quand même abouti. Trouver le sens de sa vie, c’est d’abord s’interroger à ce sujet et prendre le temps de réfléchir.

Revenons au point de départ. Que signifie vraiment « le sens d’une vie » ? Le sens de notre vie nous est-il imposé, ou est-ce à nous de le concevoir ? Quelle sont nos parts de liberté et de soumission dans la nature du sens de notre vie ? Vaste question psychique.

Les thèses les plus récentes sont orientées vers la prise de responsabilité du sens de la vie. Référons-nous au professeur de neurologie et de psychiatrie Victor Frankl (1905 – 1997), créateur de la logothérapie.

Victor Frankl, rescapé de la shoah, a constaté avec étonnement, lors de son internement à Auschwitz, que les plus robustes, ceux qui étaient le plus dans l’action, étaient les premiers à mourir, tandis que ceux qui paraissaient les plus faibles résistaient beaucoup plus longtemps. Face à l’insensé, les plus fragiles avaient développé une vie intérieure qui laissait une grande place à l’espoir et au sens.

Ce constat a été le point de départ de l’élaboration de la logothérapie. Celle-ci postule que tout être humain est doté d’une motivation primaire, l’orientant d’instinct vers le sens de sa vie. Comme pour d’autres thérapies centrées sur la personne, c’est au patient/client de découvrir le sens de sa vie. Le thérapeute soutient ce processus en lui proposant différents outils.

Que penserait Jacob, aujourd’hui, de la logothérapie ? Nous-même, aujourd’hui, comme Jacob hier, utilisons les événements de nos vies et les outils d’analyse qui sont à notre disposition pour chercher toujours mieux le sens de notre existence.